Élection d’Abdelmadjid Tebboune en Algérie : « Le commandement militaire nie la désaffection populaire »
L’élection d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence de l’Algérie est une tentative du régime, pilotée par l’armée, « de se régénérer sans changer de formule », estime Mouloud Boumghar, professeur algérien de droit international et proche du Hirak. Entretien.
En Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune désormais seul maître du jeu
Le décès inopiné d’Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée et homme fort du régime depuis la chute de Bouteflika, change la donne pour le nouveau président. Qui a décidé de jouer la carte de l’apaisement.
L’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune au pouvoir n’a pas dissuadé les étudiants de manifester pour le 43e mardi consécutif. Le 17 décembre, quatre jours après l’élection du nouveau chef de l’État, ceux-ci ont dénoncé un scrutin frauduleux et un dirigeant « imposé par l’armée ».
Le mécontentement d’une grande partie de la population n’est pas passé inaperçu : marquée par une abstention historique, la journée de vote a été émaillée de nombreuses manifestations contre un processus « illégitime », avec cinq candidats considérés comme membre de la « issaba », la « bande mafieuse » gravitant autour de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, déchu le 2 avril dernier.
Pour Mouloud Boumghar, avocat spécialisé en droit public et proche du mouvement de contestation, cette conscience politique est la plus grande force du Hirak, mais aussi un véritable casse-tête pour le nouveau président et surtout le commandement militaire, qui voient ainsi leur marge de manœuvre réduite.
Jeune Afrique : Comment évaluez-vous la situation politique, maintenant qu’un nouveau président est élu ?
Mouloud Boumghar : Avec le simulacre de scrutin du 12 décembre, le régime militaire tente de reconstruire sa façade civile. Les officiers supérieurs ont désigné un apparatchik du régime, Abdelmadjid Tebboune, pour jouer le rôle de président de la République.
Le haut commandement militaire a son représentant doté d’un mandat impératif, mais le peuple n’a toujours pas de porte-parole au sein des institutions. L’impasse politique perdure : le régime tente de se régénérer sans changer de formule, alors même que son illégitimité est flagrante et que le peuple le rejette dans sa composante tant militaire que civile.
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