Signes particuliers

Au fur et à mesure que l’année 2008 déroule ses premières semaines, ses « signes particuliers » apparaissent, à mes yeux. Laissez-moi vous en présenter quatre, que nous propose la toute dernière actualité.

Publié le 21 janvier 2008 Lecture : 5 minutes.

Voyages

Simple coïncidence ou bien convergence d’intérêts et de préoccupations ? Toujours est-il que nous avons vu à la mi-janvier les chefs de deux grands États, George W. Bush et Nicolas Sarkozy, visiter en même temps les mêmes pays du Moyen-Orient. Le tableau ci-contre montre que les deux hommes – qui ne se considèrent pas comme rivaux – se sont croisés sous les mêmes cieux, se sont rendus dans les mêmes destinations (ou presque) et ont été reçus successivement par les mêmes chefs d’État.
Ils ont d’ailleurs tenu à leurs hôtes le même discours – très hypocrite : « Vous faites faire à vos peuples des progrès vers la démocratie. Nous vous en félicitons, continuez. »

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Il faut de bons yeux pour apercevoir les progrès de la démocratie en Arabie saoudite. Et mépriser l’opinion publique des nations arabes et musulmanes pour décerner des médailles de mérite démocratique aux plus conservateurs et plus réactionnaires de leurs dirigeants.
La même opinion publique a bien vu et compris que les États-Unis vendaient pour 20 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite, avec l’accord d’Israël, non pas pour permettre à la première d’aider à libérer les territoires que le second occupe depuis quarante ans, mais pour que ce pays musulman se dresse, aux côtés des États-Unis, contre un autre pays musulman : l’Iran.
Dernière observation : à part l’Arabie saoudite (dont on ne sait pas avec certitude si elle compte 7, 10 ou 15 millions d’autochtones) et l’Égypte, les « pays » visités par George W. Bush et Nicolas Sarkozy sont de minuscules Émirats très peu peuplés ; nul ne leur aurait prêté le moindre intérêt et ne leur aurait accordé une heure de son temps si ils ne regorgeaient de pétrole et de dollars toujours bons à prendre.

Concurrence

L’intérêt manifesté par la Chine depuis près de dix ans pour le continent africain et ses richesses a suscité, nous l’avons déjà relevé, un retour de flamme des États-Unis et de l’Europe de l’Ouest pour l’Afrique, ce berceau de l’humanité qu’ils traitaient l’un et l’autre par le dédain.
L’Europe a fait l’effort, fin 2007, après sept années de déshérence, d’organiser un sommet avec l’Afrique, à Lisbonne. Quant aux États-Unis, fidèles à la « pensée » de leur président actuel, ils cherchent à installer, quelque part sur le continent, un commandement militaire unifié (Africa Command, ou Africom) et, selon leur mauvaise habitude, ils s’appuient sur des dirigeants aussi discutables et discutés que Mélès Zenawi d’Éthiopie ou Mwai Kibaki du Kenya.
À leur exemple, l’Inde a de nouveau tourné ses regards vers un continent où elle compte, sur sa côte est, des relais intéressants.
Et voici qu’en ce début de 2008 un autre « grand », la Russie, fait son retour en Afrique : le pays de Vladimir Poutine envoie son géant gazier et pétrolier Gazprom en éclaireur, et ce dernier a choisi le Nigeria comme « point d’entrée ».
Son discours ? « Les compagnies pétrolières anglo-saxonnes et françaises vous exploitent depuis un demi-siècle, en vous imposant un marché inégal qui leur réserve l’essentiel des profits et ne vous laisse que des miettes Nous allons vous faire des offres meilleures que celles des Américains et des Européens, et même que celles des Chinois et des Indiens »
Chiche !

En tout cas, l’Afrique est donc de nouveau à la mode et les Africains vont enfin bénéficier de la libre concurrence. Même s’ils ne connaissent pas encore l’art de la faire jouer en leur faveur, ils vont en profiter.
Regardez Areva et le Niger (voir pp. 32 à 34) : la compagnie française qui exploite l’uranium de ce pays n’a pas mis longtemps ni fait trop de difficultés pour comprendre la nécessité d’un sérieux aggiornamento

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L’Iran et la bombe

Les États-Unis et Israël sont en première ligne pour empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire. Ils sont les seuls, en tout cas – avec la France de Sarkozy et Kouchner -, qui menacent de bombarder ses installations pour retarder l’échéance… À croire que c’est pour affronter Israël que l’Iran veut la bombe.
La réalité est tout autre : l’Iran s’est déterminé non par rapport à Israël mais à son voisin immédiat, l’Irak de Saddam Hussein, qu’il avait des raisons de craindre et de considérer comme son ennemi mortel.
La chronologie ci-dessous m’a conduit à cette conviction.

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– L’Iran a commencé sa quête de l’arme nucléaire en 1985 : il était alors envahi (et attaqué à l’arme chimique) par les armées de Saddam Hussein qui menaçaient de le submerger.
– Selon la CIA américaine elle-même, Téhéran a arrêté cette recherche à l’automne 2003, quatre mois après la chute de Saddam et la disparition du danger qu’il représentait.
Les pressions américaines étant postérieures à cette époque, on ne peut soutenir qu’elles aient été à l’origine de la décision de Téhéran d’interrompre sa course à l’atome.
Mais l’Irak ayant cessé d’être le redoutable ennemi qu’il a été, l’Iran n’a plus un besoin urgent de la bombe
Vous verrez qu’il en donnera de nombreuses indications.

Top 50

Depuis vingt ans, à la fin de chaque année, on demande aux Français d’indiquer et de classer dans l’ordre les 50 personnalités françaises (politiques, culturelles ou sportives) qu’ils aiment et respectent le plus.
Le résultat est un baromètre de la popularité, assez stable et dont on ne discute guère le sérieux. L’abbé Pierre a longtemps tenu la première place dans ce palmarès.
Les nos 1 et 2 de ce Top 50 pour l’année 2007 ? Le Journal du Dimanche nous l’apprend : Yannick Noah (métis de père camerounais) et Zinedine Zidane (Arabe, ou plutôt Kabyle, de parents algériens).
J’ajoute que figurent, parmi les membres de ce Top 50 révélateur, d’autres immigrés, tel Jamel Debbouze, et beaucoup de personnalités juives.

La France est ce pays où Jean-Marie Le Pen et son parti, le Front national, très montés contre les immigrants, en particulier les Arabes et les Noirs, et très antisémites, représentent entre 10 % et 20 % de l’électorat.
Le Pen et les gens qui pensent comme lui se sont bien gardés de commenter ce classement.

Je soumets ce fait, que je n’ose pas appeler paradoxe, à votre méditation.
Je dirais, pour ma part, qu’il est à l’honneur des Français, dont il traduit, d’une certaine manière, la générosité de cur.

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