Quel avenir pour la CAN ?

Certains dirigeants européens souhaitent changer la périodicité biennale de la compétition pour alléger le calendrier. Mais les responsables africains s’y opposent.

Publié le 21 janvier 2008 Lecture : 4 minutes.

Évitons les sujets qui fâchent. À la tête de la Confédération africaine de football (CAF) depuis mars 1998, Issa Hayatou n’aime pas – mais alors vraiment pas – qu’on le titille sur la périodicité de la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Et le fait savoir. « La CAN fournit 80 % des ressources de la CAF, argue-t-il. Le fait qu’elle soit programmée tous les deux ans semble déranger, y compris au sein de la Fifa [Fédération internationale de football association]. Mais nous ne céderons pas. Chacun doit garder son identité. La CAF ne réclame aucune aide pour organiser cette compétition. Les clubs européens sont libres de ne pas recruter de joueurs africains. Nous ne pouvons pas freiner le développement de tout un continent pour faire plaisir aux uns et aux autres. Pour rien au monde la CAN ne changera. »
Si Hayatou s’emporte, c’est que, depuis quelques années, de nombreux observateurs – pour la plupart européens – militent pour que la compétition soit organisée tous les quatre ans. Mise en place en 1957, la périodicité de la CAN est jugée obsolète. Et ne correspondrait plus aux réalités d’un football africain partagé entre une élite exerçant son talent en dehors du continent et des joueurs de moindre niveau évoluant dans les championnats nationaux.
En 2001, du fait de la multiplication des compétitions sur les cinq continents, la Fifa a été contrainte d’établir un calendrier international harmonisé auquel la CAF devait se conformer. Tout en refusant de toucher à la périodicité de la CAN, elle opte, en janvier 2002, pour un aménagement : les années où sera organisée la Coupe du monde, les éliminatoires de la CAN sont jumelées avec celles de la compétition internationale. La grande première eut lieu en 2006. Ce fut une réussite. Sportive, tout d’abord, grâce à la présence des vedettes africaines expatriées (90 % des effectifs). Et financière ensuite, grâce aux importantes primes accordées par la Fifa aux équipes qualifiées pour le Mondial. Pas sûr, cependant, que cela se passe aussi bien en 2010
Les clubs du Vieux Continent rechignent de plus en plus à se séparer, comme l’exige le règlement de la Fifa, de leurs meilleurs joueurs à une période où les championnats européens battent leur plein. « La CAN n’a pas sa place en janvier, déclarait Pape Diouf, le président de l’Olympique de Marseille, en 2006. Elle handicape les clubs européens, employeurs de joueurs qui sont souvent décisifs dans les moments cruciaux. Cette situation perturbe les footballeurs africains. Certains d’entre eux ont à peine commencé à trouver leurs marques au sein de leur équipe qu’ils doivent partir pour participer à la CAN. Qui peut affirmer qu’en revenant ils retrouveront leur place et le rythme des championnats européens ? » Et le dirigeant du club français de préconiser « une CAN qui se jouerait tous les quatre ans, mais avec une compétition intermédiaire qui concernerait uniquement les joueurs évoluant dans leurs championnats nationaux ». Même son de cloche chez Arsène Wenger, le manager général du club londonien d’Arsenal, pour qui « la CAN doit être jouée en juin tous les quatre ans. Les organisateurs doivent savoir que les grands clubs européens ne voudront pas payer des joueurs engagés dans une autre compétition ».

Effets structurants
Autant d’arguments auxquels Issa Hayatou reste insensible. Selon lui, l’actuelle périodicité de la CAN permet aux pays organisateurs de se doter d’infrastructures sportives. Seulement voilà, de 1988 à 2008, sur dix pays qui auront accueilli la CAN, seulement quatre d’entre eux ont construit des nouveaux stades : le Sénégal, le Burkina, le Mali et le Ghana. De fait, le refus de toucher à la périodicité biennale traduit d’abord la volonté d’assurer la recette de la commercialisation et de satisfaire les exigences des partenaires économiques. En octobre 2007, la CAF n’a-t-elle pas cédé, d’un seul coup, tous les droits des éditions 2010, 2012, 2014 et 2016 au groupe Sportfive ? Autre objection avancée par Hayatou : « L’été correspond, en Afrique, à la saison des pluies, et on ne peut pas disputer la CAN à cette époque. » Les Coupes d’Afrique des clubs se jouent pourtant de juin à août. En fait, la décision, prise en 1996, de programmer la CAN en début d’année répondait avant tout à la disponibilité, en cette période, des faisceaux satellitaires
Quant à l’idée de créer une « CAN bis » pour les joueurs locaux, elle a déjà été proposée une première fois à la CAF, au début des années 2000. Depuis, elle a été récupérée par le président de la CAF, qui l’a modifiée. Le 11 septembre 2007 est annoncé le lancement, pour 2008, d’une nouvelle compétition réservée aux footballeurs des championnats nationaux. Cette « CAN bis » se déroulerait en deux étapes : des préliminaires régionales les années paires, et un tournoi final avec huit équipes les années impaires. On s’y perd un peu
La formule suscite de fortes réserves. Cette nouvelle compétition, elle aussi organisée tous les deux ans, ne manquerait pas d’alourdir le calendrier et de gonfler les charges des associations nationales. D’autant que la CAF a décidé de n’associer, ni sportivement ni financièrement, les unions régionales. La Cosafa, la Cecafa, l’Ufoa, l’Unaf et l’Uniffac* restent donc hors jeu. Et la CAF se réserve la commercialisation de la future épreuve ! La Coupe d’Afrique des nations a fêté, le 20 janvier à Accra, ses 51 ans. Il n’est pas trop tard pour que s’engage un véritable débat sur son avenir. Débat dans lequel les joueurs expatriés qui font sa réputation et sa fortune devraient avoir leur mot à dire.

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* Council of Southern African Football Associations (Cosafa) : 14 membres ; Council of East and Central African Football Associations (Cecafa) : 9 ; Union des fédérations de football de l’Afrique de l’Ouest (Ufoa) : 17 ; Union nord-africaine de football (Unaf) : 5 ; Union des fédérations de football de l’Afrique centrale (Uniffac) : 8.

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