Les héritiers d’Abedi Pelé

Jusqu’au 10 février, les seize meilleures formations africaines s’affrontent au Ghana. Reste à savoir si les Black Stars, l’équipe du pays hôte, a les moyens de remporter cette nouvelle édition de la CAN…

Publié le 21 janvier 2008 Lecture : 4 minutes.

Depuis le 20 janvier, tous les amateurs de football – et tous les clubs européens qui ont laissé partir à contrecur leurs joueurs africains, en espérant qu’ils reviendront entiers – ont les yeux rivés sur la 26e Coupe d’Afrique des nations (CAN). Jusqu’au 10 février, les seize meilleures équipes du continent s’affrontent pour détrôner l’Égypte, qui remet son titre en jeu. Parmi les prétendants : le Ghana, vainqueur de l’épreuve à quatre reprises et pays organisateur pour la quatrième fois.
Bien que jugée par certains spécialistes sportivement moins intéressante que l’édition qui aura lieu en 2010, à moins de six mois du Mondial en Afrique du Sud, la CAN 2008 aiguise pourtant l’appétit des Black Stars. Vingt-six ans après avoir décroché leur dernier trophée, ils espèrent que l’Histoire, qui a permis à la Tunisie en 2004 et à l’Égypte en 2006 de remporter le tournoi devant leur public, se répétera. Les joueurs de l’entraîneur français Claude Le Roy reviendraient alors à hauteur des Pharaons, qui comptent le plus grand nombre de victoires dans la compétition. Ils enchaîneraient aussi avec leur belle performance de la Coupe du monde 2006 – au cours de laquelle ils avaient atteint les huitièmes de finale pour leur première participation – et feraient oublier leur piteuse prestation à la CAN 2006, où ils n’avaient pas franchi le premier tour

Malédiction
L’attente de la population est d’autant plus grande que, même si la star nationale, Stephen Appiah, blessé, ne sera pas de la partie, il y a bien longtemps que le Ghana n’a pas eu aussi belle allure. Pour la première fois depuis sa dernière finale en CAN, il y a seize ans, le pays a une chance réelle de l’emporter. À une condition cependant : qu’il brise – enfin ! – la malédiction qui l’empêche de gagner le moindre trophée depuis qu’il est dirigé par des entraîneurs étrangers Pour certains, l’arrivée de techniciens occidentaux, au milieu des années 1980, serait même la cause des résultats mitigés de l’équipe, ces deux dernières décennies. Sous leur direction, la sélection aurait tourné le dos au jeu très technique qui lui a permis de remporter quatre CAN, en 1963, 1965, 1978 et 1982, pour privilégier l’engagement physique, sans pouvoir rivaliser avec les « géants » maliens et sénégalais.
Avant de partir à la conquête d’une cinquième couronne, les Ghanéens se sont toutefois fixé un autre défi : remporter la victoire de l’organisation. Pendant trois semaines, le pays ashanti va en effet être placé sous les feux de la rampe. Selon les autorités, 16 000 journalistes (sic !) auraient demandé à être accrédités pour la CAN 2008, soit deux fois plus qu’en Égypte il y a deux ans Plus de 1 million de visiteurs y sont par ailleurs attendus, soit une fréquentation touristique en hausse de 55 % par rapport à 2006. Le Ghana entend donc faire bonne figure et profiter pleinement de la vitrine qui s’offre à lui. « Les retombées dont profitera le pays vont largement dépendre de la façon dont il organise le tournoi », écrivait récemment Edmund Quaynor, journaliste à la Ghana News Agency.
Dans cette perspective, plus de 157,2 millions de dollars ont été investis dans les cinq stades où vont se dérouler les matchs de la compétition. À Sekondi et à Tamale, deux enceintes de 20 000 places sont sorties de terre. À Accra et à Kumasi, trois autres ont fait l’objet d’importants travaux pour en améliorer la sécurité. Deux ont, en outre, été rebaptisées : le grand stade de la capitale, devenu le Ohene Djan Stadium, en mémoire de l’ancien ministre des Sports du père de l’Indépendance ghanéenne, Kwame Nkrumah, et le stade de Kumasi, qui s’appelle désormais le Baba Yara Stadium, du nom de l’un des plus grands joueurs ghanéens des années 1960. Comme si le comité d’organisation avait voulu exorciser, aussi, la triste notoriété qu’ils ont acquise à la suite des violentes bousculades qui s’y sont déroulées au cours des trois dernières décennies
Le parc hôtelier s’est également élargi. Selon le Bureau du tourisme ghanéen, le nombre de chambres classées 2, 3, 4 et 5 étoiles est passé de 19 967 à 21 159 dans les quatre villes hôtes. Au début du mois de novembre toutefois, les professionnels du secteur faisaient part de leur inquiétude. Selon eux, dans les villes de Sekondi et de Tamale notamment, l’offre en logements pourrait être bien inférieure à la demande. Si l’hébergement des officiels, des équipes nationales et des invités des sponsors semble garanti, l’accueil des milliers de fans attendus pourrait, en revanche, poser problème. À tel point que la réquisition de bâtiments publics et l’ouverture de campements équipés de tentes prêtées par le Comité national de gestion des catastrophes ont été évoquées
La pénurie est telle que, dans la sous-région, le Ghana est presque accusé de profiter de la situation. « Partout, c’est la surenchère. Les « guest houses » de Sekondi, Elmina et Takoradi, qui offraient des chambres entre 30 et 40 dollars, affichent aujourd’hui des tarifs oscillant entre 95 et 120 dollars », déplorait le quotidien malien L’Essor, fin décembre. Avant d’enfoncer le clou : « Les hôtes de la 26e CAN pourraient être profondément déçus. La grande fête du football continental risque de devenir un rendez-vous du business pour les opérateurs privés locaux et les municipalités des villes sites. Les prix de certains produits ont déjà augmenté de 35 %. »
Pour la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest, l’édition 2008 de la Coupe d’Afrique des nations s’apparente à une vaste course au profit qui relègue au second plan la fête du ballon rond. À leur crédit, il est vrai que pas moins de neuf entreprises sponsorisent l’événement, que les casquettes et les tee- shirts griffés aux couleurs des Black Stars sont vendus entre 5 et 10 euros pièce (6 500 F CFA), et que les droits de retransmissions télévisés atteignent une nouvelle fois des sommets. Côté business, un village destiné à promouvoir les sociétés ivoiriennes doit ouvrir pendant toute la durée de la compétition à Sekondi, où évolueront les Éléphants durant la première phase du tournoi. Décidément, la CAN peut être très lucrative.

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