Ecobank veut gagner le pari du capitalisme africain

Pour résister à la concurrence qui s’accélère en Afrique subsaharienne, le groupe panafricain doit poursuivre sa croissance. Et ouvrir son capital sans perdre le contrôle.

Publié le 21 janvier 2008 Lecture : 5 minutes.

Ecobank célébrera ses vingt ans dans quelques semaines, à l’occasion de la pose de la première pierre de son futur siège, à Lomé, au Togo. L’immeuble sera construit par un architecte sélectionné parmi les cinquante offres reçues de toute l’Afrique. Car à Ecobank, que l’on soit actionnaire, dirigeant ou membre du personnel, les racines africaines sont à la fois un signe de ralliement et un motif de fierté. La banque a été créée en 1988 par les chambres de commerce d’Afrique de l’Ouest, qui souhaitaient proposer une alternative aux géants bancaires internationaux. Elle l’est devenue : « Nous sommes une banque africaine de classe internationale », se plaît à répéter Évelyne Tall, directeur régional pour l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
En application de ce postulat de la culture maison, Ecobank mène, depuis l’origine, une stratégie de croissance qui, compte tenu de l’étroitesse des marchés d’Afrique subsaharienne, est forcément géographique. « Quand vous êtes dans plusieurs pays, vous gérez des masses et des volumes qui permettent de faire la différence », explique Évelyne Tall, en ajoutant une autre phrase clé : « Ce qui fait de nous un outil d’intégration des économies africaines. »
Présent dans cinq pays en 1990, le groupe l’était dans vingt à la fin de 2007, et le sera bientôt dans vingt-trois, avec l’ouverture de filiales au Congo, au Gabon et en RD Congo. « La vision d’origine a été surpassée », commente Kolapo Lawson, administrateur du holding Ecobank Transnational Inc. (ETI) et fils de l’un des fondateurs. La banque ouest-africaine a progressivement essaimé en Afrique centrale et en Afrique de l’Est. Ses activités dans l’UEMOA, qui sont avec le Nigeria le berceau du groupe, ne représentaient plus que 49 % du total de bilan et 42 % du produit net bancaire (PNB) à la fin de 2006.

Cinquième banque d’Afrique de l’Ouest
Dans les comptes, Ecobank n’a cessé de prospérer. Les deux années écoulées n’ont pas failli à la règle. Le total de bilan a progressé de 42 % sur les neuf premiers mois de 2007 (dernières données disponibles), frôlant les 5 milliards de dollars. Le résultat net atteint 78,6 millions de dollars à la fin de septembre, en hausse de 51 % sur la période (86 millions de dollars en 2006, + 68 %). Dans la dernière édition du classement des 200 premières banques africaines de Jeune Afrique, le holding ETI arrive cinquième en Afrique de l’Ouest ; les dix-sept autres premières places sont trustées par les banques du Nigeria.
Principal artisan de cette stratégie d’expansion, Arnold Ekpe, 55 ans. Il en est à son second mandat de directeur général, position qu’il a occupée une première fois de 1996 à 2001 après avoir fait ses armes au sein du groupe américain Citibank à Londres, aux États-Unis et en Afrique du Sud. « Quand il est arrivé, il a mis de l’ordre », se souvient Tony Nzongalo, directeur de l’audit et de la gestion des risques, l’un des deux cadres ayant travaillé à la mise en route de la banque, en 1985. « Il a attiré des investisseurs comme la SFI, le milliardaire saoudien Al-Walid et le fonds d’investissement West Africa Growth Fund. »
De retour à Ecobank en 2005, Arnold Ekpe repart à l’offensive. Il faut grandir encore plus : le secteur bancaire se transforme rapidement, la concurrence est plus rude. Les événements récents lui donnent raison. La première banque chinoise, ICBC, est entrée au capital du numéro un sud-africain Standard Bank à hauteur de 20 %, pour 5,6 milliards de dollars, en novembre dernier. Bank of Africa, réseau africain né en 1982 au Bénin, est désormais associé à la troisième banque marocaine, BMCE Bank, à hauteur de 35 % dans son capital, avec une option pour devenir majoritaire à terme. Attijariwafa Bank, le numéro un marocain, affiche aussi de grandes ambitions et détiendra bientôt près de 30 % du marché sénégalais après la signature du rachat de CBAO.
La course à la taille critique est engagée et tous s’inquiètent des nigérianes, en pleine forme depuis le big-bang mené par la Banque centrale, qui a vu passer le nombre de banques du pays de 89 à 25 à la fin de 2006, toutes plus solides et recapitalisées Et en ordre pour une bataille dont le signal vient d’être donné par l’entrée de l’Union Bank of Africa (UBA), la première banque du Nigeria, au capital de la Banque internationale du Burkina (BIB), une opération en voie de finalisation. Pour résister, Ecobank doit poursuivre sa croissance externe.
« Nous serons dans 34 pays », annonce Ekpe. Première augmentation de capital début 2005. Elle attire plusieurs investisseurs internationaux et près de 100 millions de dollars. En septembre, des négociations sont engagées avec First Bank of Nigeria pour renforcer Ecobank Nigeria. En juin 2006, l’objectif d’atteindre un capital de 1,25 milliard de dollars est fixé. Le 11 septembre, ETI entre sur trois Bourses régionales, au Nigeria, au Ghana et à la BRVM d’Abidjan.

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Diversifier l’actionnariat
Mais la machine se grippe. Les négociations avec First Bank sont abandonnées au bout de dix-huit mois. L’appel à la Bourse connaît un succès mitigé : le cours est stable, mais inférieur au niveau d’introduction. À la fin de septembre 2007, le capital d’ETI est de 570 millions de dollars. L’opération boursière a en outre permis à une banque d’investissement d’origine russe, Renaissance Capital, de devenir un actionnaire incontournable (près de 25 % du capital). Un niveau incompatible avec la culture du groupe et les règles de diversification de son actionnariat inscrites dans ses statuts. L’assemblée générale de janvier 2007 tourne presque au pugilat avec les représentants du nouveau venu. Il faudra près d’un an à Arnold Ekpe et à son équipe pour reprendre la main. En 2008, Ecobank veut lever à nouveau 300 millions de dollars. Le conseil d’administration veillera au respect des règles de diversification de l’actionnariat : « Il est souverain, affirme Laurence do Rego, directrice financière. Il reçoit les propositions de souscriptions et il fait la sélection suivant des critères très précis. »
Pour que le groupe soit au mieux de sa forme, Ekpe impose une stratégie très exigeante à ses collaborateurs. Elle comprend des objectifs à trois ans (réévalués chaque année) : être numéro un ou numéro deux sur chaque marché, équilibrer le portefeuille entre les grands comptes (aujourd’hui 75 %) et la clientèle des particuliers et des PME, et, enfin, atteindre les 3 millions de clients à l’horizon 2010 (1 million à la fin de 2007). À quoi s’ajoute un impératif financier : doubler le bénéfice opérationnel chaque année. Le groupe bancaire panafricain se donne les moyens de réussir pour intéresser les investisseurs du continent. Reste à savoir s’ils répondront à l’appel.

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