Ashfaq Kiyani, le dauphin

Nouveau chef d’état-major de l’armée et numéro deux du régime, l’homme de confiance de Pervez Musharraf peut rêver d’un destin national.

Publié le 21 janvier 2008 Lecture : 3 minutes.

Le 28 novembre dernier, à Rawalpindi, la ville jumelle d’Islamabad, où se trouve le QG des forces armées pakistanaises, le général Ashfaq Kiyani, 55 ans, a succédé au président Pervez Musharraf à la tête de l’état-major. Avec, bien sûr, la bénédiction de celui-ci, dont il est, depuis plusieurs années, l’homme de confiance. En 2003, il avait été nommé à la tête du 10e corps d’armée de Rawalpindi, d’où sont partis la plupart des coups d’État dont le Pakistan a été le théâtre depuis l’indépendance – dont celui qui, en octobre 1999, porta Musharraf au pouvoir -, puis, l’année suivante, de l’Inter-Services Intelligence (ISI), le tout-puissant service de renseignements et de sécurité intérieure. Depuis la fin de l’année dernière, il était officiellement le numéro deux de l’armée. Autant dire le dauphin du chef de l’État dans ce pays où, à l’abri d’une façade vaguement démocratique, les militaires détiennent le pouvoir réel.

Forces centrifuges
Le Pakistan – qui, faut-il le rappeler, possède l’arme nucléaire – est pourtant soumis à des forces centrifuges qui menacent sa cohésion. Violemment contesté par la rue, qui l’a surnommé « Busharraf » – même si ses rapports avec l’Amérique sont plus ambigus qu’il n’y paraît -, le chef de l’État a perdu l’essentiel de sa légitimité. Il est même visé par une fatwa que des milliers d’aspirants kamikazes rêvent d’exécuter. Depuis l’assassinat, le 27 décembre, de Benazir Bhutto, son chef de file, l’opposition est pour sa part affaiblie. Dans le Sud-Ouest, les nationalistes baloutches ont fait le choix de l’insurrection armée. Les zones tribales du Nord-Ouest sont passées sous le contrôle d’Al-Qaïda et, au Nord-Waziristan, des talibans pakistanais ont fait leur apparition. Pour ne rien arranger, la société civile est en ébullition, et la minorité chiite victime de dures persécutions. Quant à l’environnement régional, il est tout sauf paisible. L’Afghanistan, sur lequel le Pakistan compte bien rétablir sa tutelle après le départ des forces de l’Otan, est aujourd’hui le principal front de la guerre mondiale contre le terrorisme. L’Iran est tenu en haute suspicion à Islamabad en raison de ses ambitions nucléaires, et le frère ennemi indien est en passe de devenir une grande puissance économique et pourrait, un jour, devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.
C’est dire que l’armée n’a nulle intention de relâcher son emprise sur le pouvoir. Et que la fulgurante ascension du général Ashfaq Kiyani n’est peut-être pas terminée. Ce Pendjabi est issu d’un clan important de la région de Jhelum, traditionnel vivier de militaires de tous grades. Après une formation de base, il intègre l’Académie militaire de Kakul, où, en 1971, il décroche le grade de sous-lieutenant. Entre deux missions de commandement, il soigne sa formation à Quetta, à Islamabad, puis, à l’instar de nombreux cadres de l’armée pakistanaise jusqu’en 1990, aux États-Unis (Fort Leavenworth).
En 2002, il dirige les opérations militaires pendant la confrontation armée avec l’Inde. En décembre de l’année suivante, le président ayant été la cible de deux attentats, Kiyani est chargé de l’enquête et s’en tire fort bien : « Jamais la coordination entre les services de renseignements n’a été aussi efficace », le félicite Musharraf. À la tête de l’ISI, il se signale notamment par l’arrestation d’Abou Faraj al-Libi, l’un des principaux chefs d’Al-Qaïda. Contraint par la Constitution de renoncer à l’uniforme, Musharraf confie le commandement de l’armée à ce général consensuel au sein d’une hiérarchie militaire tantôt accusée de laxisme, tantôt soupçonnée de sympathies pour l’islamisme radical. Amateur de cigares et passionné de golf, Ashfaq Kiyani apparaît plutôt comme un moderniste. Sa discrétion est appréciée par ses pairs, son efficacité plaît aux Américains. Autant de promesses d’un futur destin national ?

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