Lockerbie, la nuit de l’horreur

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

A quatre jours de Noël, rien ne devait obscurcir le ciel de ce paisible village écossais de 2 500 habitants, situé à 100 km au sud de Glasgow et à 440 km au nord de Londres. Rien, sauf le hasard. Et le terrorisme aveugle, banni par toutes les religions.
Lockerbie est déjà illuminé par les guirlandes et les lampions. Soudain, à 19 h 02, tout le monde se fige. Une secousse sismique de 1,6 sur l’échelle de Richter est enregistrée. Que se passe-t-il ? Quel est ce bruit assourdissant, en provenance du quartier résidentiel de Sherwood ? Des ambulances affluent. Des voitures brûlent, des villas s’effondrent. Le terrain de golf est calciné. On mettra de longues minutes avant de comprendre l’origine de la catastrophe.
Les contrôleurs aériens, eux, ont vu un Boieng 747 de la PanAm disparaître de leurs écrans radar. Le vol 103, en provenance de Francfort via Londres et à destination de New York, survolait Lockerbie à 10 000 mètres d’altitude lorsqu’il a explosé. Avec, à son bord, 243 passagers et 16 membres d’équipage. On retrouvera, dans les bagages éventrés, des cadeaux destinés à des enfants qui ne pourront plus jamais fêter Noël avec leurs parents.
Au sol, onze habitants sont tués, frappés par les débris de l’appareil. Parmi eux, trois enfants âgés de 10 à 13 ans. À chaud, toutes les hypothèses sont envisagées : ivresse du pilote, porte mal fermée, tir de missile…

Après avoir interrogé plus de seize mille personnes dans cinquante-deux pays, reconstitué l’avion, déterminé l’emplacement de chaque passager, les enquêteurs concluent qu’une radiocassette Toshiba bourrée d’explosifs, du Semtex probablement, avait été dissimulée dans un bagage. L’origine de la radio, du mécanisme d’horlogerie et de la valise, une Samsonite, mène les agents américains sur une seule et même piste : Mouammar Kadhafi. Et, en particulier, sur celle de deux employés de la Libyan Arab Airlines : Abdelbasset Ali al-Megrahi (36 ans en 1988), le chef de la sécurité, et Lamine Fhima (32 ans), un agent au sol basé à Francfort, lieu d’embarquement de la valise piégée.
Au bout de trois ans de recherche, les autres pistes – la Syrie, l’Iran, les Palestiniens… – sont définitivement écartées. Pour les Américains, le mobile est clair : Kadhafi leur en veut à mort depuis que le président Reagan a donné l’ordre de bombarder son domicile à Tripoli, le 15 avril 1986. Les relations bilatérales sont des plus mauvaises depuis cinq ans. Estimant que l’embargo économique et pétrolier ne suffit pas pour en finir avec le « Guide » et son régime expansionniste, Reagan a d’abord envoyé la VIe flotte mouiller en Méditerranée et narguer Kadhafi jusque dans le golfe de Syrte. Le 5 avril 1986, les Libyens s’en sont pris à des GI’s basés en Allemagne : deux marines ont été tués dans un attentat contre la discothèque de Berlin La Belle. Reagan a alors riposté en envoyant une centaine d’avions bombarder Tripoli et Benghazi (41 morts).

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En octobre 1991, la compagnie PanAm fait faillite. Un mois plus tard, un mandat d’arrêt est lancé contre les deux suspects libyens, et une série de sanctions internationales frappent la Libye (embargo aérien, économique et diplomatique). Elles seront maintenues jusqu’au 5 avril 1999, lorsque Kadhafi acceptera de livrer ses deux compatriotes et de reconnaître la « responsabilité civile » de l’État libyen.
Le procès se déroule en terrain neutre (à Camp Zeist, aux Pays-Bas), mais selon la loi écossaise. Le 31 janvier 2001, le verdict tombe : Fhima est innocenté, et Megrahi – qui a transporté la valise piégée – est condamné à la prison à vie.
Il ne sera libéré – au mieux – qu’en 2026. En 2003, les parties civiles ont obtenu une compensation financière (de 10 millions de dollars pour chacune des 270 victimes). Ce qui, de la part de l’État libyen, équivalait à un aveu.
Aujourd’hui, les relations entre Washington et Tripoli sont au beau fixe : la Libye a renoncé au terrorisme et a rouvert son territoire aux compagnies pétrolières américaines…

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