Le Forum de l’avenir n’aura pas lieu

Un casting prometteur, mais aucune décision concrète : à quoi a servi la conférence convoquée par Bush à Rabat ?

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

« Une manifestation historique couronnée de succès. » C’est sur ce constat de satisfaction que Colin Powell a clôturé, samedi 11 décembre à Rabat, la première conférence internationale du Forum pour l’avenir. L’objectif visé était le développement économique, social et politique de la région du Moyen-Orient élargi et de l’Afrique du Nord. Vaste programme ! Quant au succès affiché, s’il se mesure à l’aune du nombre de délégations, – 22 pays arabes, le G8 et diverses organisations institutionnelles et financières – alors, oui, ce Forum fut une réussite.
Mais pour le reste, et malgré un « casting » prometteur, le show a plutôt déçu. L’idée même de cette rencontre, conçue par l’administration Bush au Sommet de Sea Island en juin dernier, avait déjà été accueillie avec méfiance par certains dirigeants. Hormis le désistement à J – 1 de l’Iran, les invités ont néanmoins répondu présent, mais avec une mauvaise volonté manifeste – à l’instar du chef de la diplomatie française, Michel Barnier, qui a confirmé sa venue à la dernière minute, « dans une démarche de participation vigilante », en exprimant « les réserves de la France par rapport à une institutionnalisation du Forum ». Hésitation des uns, réticence des autres… on cherchait en vain cet « esprit de partenariat constructif » tant vanté par les organisateurs.
Le Forum de l’avenir, qui se voulait « un espace de dialogue et de concertation », aura surtout été le lieu de luttes d’influence et de sourdes rivalités, comme entre l’Union européenne et les États-Unis. L’antiaméricanisme y était la chose au monde la mieux partagée et la délégation venue en force d’outre-Atlantique a dû se sentir assez isolée. Powell, secrétaire d’État démissionnaire et coprésident du Forum pour l’avenir, y jouait les figurants en quête de légitimité. Cette conférence made in USA fut donc une occasion manquée par Washington de remodeler la carte géopolitique de la région, puisque la vision bushienne du « Grand Moyen-Orient » a été « plombée » par des participants qui n’ont eu de cesse de réaffirmer leur souveraineté et le principe de non-ingérence. Match nul, donc.
En outre, le caractère général et modeste – pour ne pas dire indigent – des recommandations élaborées par les intervenants est resté très en deçà des ambitieuses réformes prévues. Dans l’ordre du jour, le volet politique initial s’est progressivement vidé de sa substance au profit de l’économique. Parmi les propositions formulées : scolarisation, octroi de microcrédits, formation professionnelle, promotion des PME, relance de l’investissement, intégration des femmes, etc. La dimension financière au sens strict a été quelque peu éludée. À peine a-t-on osé avancer la création d’un fonds d’aide régional de 100 millions de dollars à partir des contributions volontaires de divers pays. Les États-Unis s’étant engagés à verser 15 millions, il ne reste plus qu’à trouver les 85 millions qui manquent encore, sachant qu’il n’a pas été précisé à quoi ce fonds sera destiné, ni qui en seront les bénéficiaires. Mme Ferrero-Waldner, commissaire européen aux Relations extérieures, n’en a pas moins saisi cette opportunité pour rappeler que la contribution de l’UE dans la région méditerranéenne s’élève à 3 milliards d’euros par an.
Comment ne pas se poser la question de l’utilité même d’un forum qui s’est déroulé dans un relatif silence médiatique – 400 journalistes ont couvert l’événement, contre 4 000 au dernier rassemblement altermondialiste de Porto Alegre – et qui fut d’une brièveté surprenante ? Quatre heures pour convaincre, c’est en effet un peu court, au regard des enjeux ! La grand-messe du samedi matin s’est donc achevée sur un statu quo et l’ébauche d’un calendrier* pour les mois à venir.
Quant aux engagements pris par Colin Powell dans sa déclaration finale, sur la relance de la feuille de route, la garantie d’élections transparentes dans les territoires palestiniens et le retour à la paix en Irak, il restera à voir si, au-delà des déclarations d’intention et des voeux pieux, les discours vont se traduire en actes. Sinon, ce Forum n’aura été qu’une énième rencontre formelle et sans effet réel. Mais tant qu’il y a de l’avenir…

* Réunion de suivi au Caire en mars 2005 ; édition 2005 du Forum pour l’avenir à Bahreïn ; la Jordanie se propose d’accueillir l’édition 2006 confirmer).

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires