Le dernier caprice du « Guide »

Stupeur dans les chancelleries : Mouammar Kadhafi renonce sans crier gare à la présidence de l’Union du Maghreb arabe.

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Quelle mouche a encore piqué Mouammar Kadhafi ? Le 8 décembre, un peu avant 16 heures, un communiqué du ministère libyen des Affaires étrangères tombe. Il fustige les dirigeants de l’Union du Maghreb arabe (UMA) et annonce l’intention du « Guide » de renoncer à la présidence en exercice de l’organisation, qu’il assure depuis le 1er janvier dernier (voir encadré). Stupeur dans les chancelleries !
Les sautes d’humeur du bouillant colonel ne sont certes pas une nouveauté. Personne n’a oublié ses attaques au vitriol contre la Ligue arabe et sa décision – jamais appliquée – de s’en retirer. Nul n’ignore non plus l’affection sans limite qu’il porte à l’Union africaine, qui l’incita naguère, dans un accès d’euphorie, à ouvrir son pays à tous les ressortissants d’Afrique subsaharienne… avant d’expulser brutalement ceux qui avaient eu l’imprudence de le prendre au mot !
Pourquoi Kadhafi s’en prend-il aujourd’hui à l’UMA et renonce-t-il à son mandat présidentiel à trois semaines de son terme ? Son attitude est d’autant moins compréhensible que, lors de sa nomination pour un an à la tête de l’organisation, il avait promis de ne ménager aucun effort pour relancer ses activités et préparer la tenue du septième sommet… qu’il avait lui-même contribué à saborder (celui-ci devait initialement se tenir le 22 décembre 2003, à Alger).
Diffusé par l’agence de presse libyenne, le communiqué du 8 décembre n’a pas été repris en Tunisie et ne l’a été que très partiellement ailleurs. À l’issue de divers entretiens téléphoniques entre chefs d’État de la région, dans la soirée du 8 et les journées des 9 et 10 décembre, des communiqués laconiques ont été publiés, du genre : « Les entretiens ont permis d’évoquer les derniers développements à l’échelle régionale et de procéder à un échange de vues sur les questions intéressant la marche de l’UMA. » Beau spécimen de langue de bois !
Dans la soirée du 11 décembre, une réunion extraordinaire a rassemblé à Rabat les ministres des Affaires étrangères des cinq pays – Abdelaziz Belkhadem (Algérie), Mohamed Benaïssa (Maroc), Abdelbaki Hermassi (Tunisie), Abderrahman Chalgham (Libye) et Mohamed Fal Ould Bilal (Mauritanie). Par le plus grand des hasards, les ministres se trouvaient dans la capitale marocaine pour participer au Forum international sur l’avenir du monde arabe organisé à l’initiative du président américain George W. Bush (voir p. 22). Secrétaire général de l’UMA, le Tunisien Habib Boularès s’est borné à déclarer que la Libye continuait d’assurer la présidence. De fait, on apprendra par la suite que Tripoli a accepté d’accueillir une nouvelle réunion des ministres des Affaires étrangères, à Tripoli, les 18 et 19 décembre…
Les critiques de Kadhafi paraissent d’autant plus déplacées que lui-même ne s’est pas signalé par une activité débordante depuis qu’il préside l’organisation. Sur les vingt-neuf réunions organisées par le secrétariat depuis un an, quatre seulement se sont tenues en Libye (trois à Tripoli, une à Syrte). Les autres ont eu lieu au Maroc et en Tunisie. Ces deux pays sont les seuls à être à jour de leurs contributions au budget de l’UMA. Pourquoi Kadhafi n’a-t-il pas profité de son passage à la présidence pour éponger les arriérés de paiement de son pays (1,1 million de dollars) et inciter l’Algérie (1,8 million de dollars) et la Mauritanie (2,2 millions de dollars) à faire de même ? Loin de contribuer à sortir l’UMA de l’impasse, le « Guide » a de surcroît suscité un différend avec la Mauritanie, qui s’ajoute au vieux contentieux algéro-marocain sur le Sahara occidental. Bref, dix ans après le sixième sommet (Tunis, avril 1994), on ne sait toujours pas quand et où aura lieu le septième.

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