Ils seront au top en 2005

Après s’être illustrés en 2004, ces artistes auront encore la vedette dans les mois à venir.

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 5 minutes.

Ce n’est pas demain que les artistes africains réduiront leur dépendance économique vis-à-vis de l’Occident. Ce vieux rêve que caressent nombre de musiciens du continent s’éloigne chaque jour, balayé par la piraterie. Mais c’est surtout de la crise du secteur du disque à l’international qu’ils pâtissent depuis quelque temps : 40 % de baisse d’activité en cinq ans. En dessous de 100 000 exemplaires vendus, on est considéré comme non rentable. Très peu de contrats ont ainsi été renouvelés cette année, notamment au sein des majors. Dans ce marasme général, le cas du bassiste camerounais Richard Bona, prenant l’initiative de la rupture avec Sony au profit d’Universal, fait figure d’exception. Tout comme le choix de Youssou Ndour de produire lui-même ses albums. Après avoir fait l’expérience de plusieurs majors – Virgin, Emi, Sony Music -, l’idole du Sénégal est aujourd’hui l’un des rares à pouvoir s’offrir ce privilège, grâce aux importants investissements réalisés à Dakar dans son studio d’enregistrement. Résultat, c’est du côté des labels indépendants qu’on trouve les plus belles pépites.

Rokia Traoré
Fidèle à Label bleu, la maison de ses débuts où travaille aussi son mari et mentor Thomas
Weil, Rokia Traoré a sorti à la fin de 2003 son troisième opus, Bowmboï. La belle Malienne
assume son côté « fille normale » et revendique sa modernité : « Je n’ai pas appris à chanter dans une famille de griots, je ne suis même pas du Wassoulou, je ne suis pas princesse, je suis une enfant de la ville et j’ai envie de donner une image du pays qui est la mienne », affirme-t-elle. Pour ne plus subir d’interminables séances de tresses, elle s’est fait un nouveau look, crâne rasé, alimentant une chaude controverse dans la presse de Bamako. Elle en a l’habitude. En musique, cela donne un album aux ambiances folk et world, avec une bonne place accordée aux rythmes traditionnels du Mali. Bowmboï a très vite trouvé sa place dans les hits en 2004. Preuve d’un succès qui ne faiblit pas, son agenda affiche complet jusqu’en avril 2005, avec une sérieuse option pour une tournée euro-américaine l’été prochain.

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Amadou et Mariam
Ce duo a injecté une bouffée d’oxygène dans l’univers musical avec Dimanche à Bamako, leur cuvée 2004. Adulé au Mali, le couple avait déjà connu en 1998 un succès d’estime avec le tube kitsch « Je pense à toi mon amour ma chérie », dont on se demande toujours si ce ne fut pas un malentendu. En arts plastiques, cette chanson relèverait du « naïf ». C’est dans la même fibre que le duo a cousu son nouvel album, avec un invité de choix, et de poids, le Franco-Espagnol Manu Chao. L’effet est différent. En véritable fan, ce dernier s’est mis, en douceur, au service du couple. Le Latino apporte sa griffe bien connue : des bouts de sons, des tranches de vie, des bruits urbains mis en boucle, priés ici de faire bon ménage avec la guitare rock d’Amadou Bagayoko, et la voix un brin « soul » de Mariam Doumbia.
Au final, un superbe album humain et touchant, où la musique parle de l’amour et de l’amitié, certes, mais de la méchanceté aussi. Simplement de la vie telle qu’ils la
voient. Rock mandingue, pop, funk, soul, qu’importe, on se pose à peine la question. Élaboré entre Bamako, Mopti et Paris, au gré d’une complicité née il y a un peu plus d’un an, Dimanche à Bamako est l’uvre la plus aboutie d’Amadou et Mariam, artistes que le marketing d’Universal avait affublés de l’étiquette un peu glauque de « couple aveugle du Mali ». Mariés sur la scène et dans la vie depuis bientôt vingt-cinq ans, le duo gagne un peu plus de crédit à chaque album. L’époque où, faute de guide, Amadou oubliait sa guitare dans la malle d’un taxi d’Abidjan n’est plus qu’un lointain souvenir. Dans leur belle villa de Bamako, leur sympathique pied-à-terre de Montreuil, dans la banlieue parisienne, ou en tournée, le couple est toujours bien entouré.

Les Gnaouas d’Essaouira
Plus au nord du continent, Essaouira, « la Cité des vents » marocaine, abrite chaque
année un festival à la programmation audacieuse, inspirée par le remarquable batteur
algérien Karim Ziad. Les Gnaouas marocains s’y réconcilient avec leurs racines africaines
et s’ouvrent aux sonorités du monde. En 2003, l’Italien Paolo Fresu et sa trompette
sensuelle et feutrée, le saxophoniste français Alain Debiossat, le batteur « phénomène »
d’origine ivoirienne Paco Sery, le guitariste Nguyen Lê et bien d’autres ont plongé dans
le rythme mystique avec bonheur pour créer des rencontres inattendues. Ce CD live de l’édition 2003 du festival Gnaoua Essaouira nous redonne foi en l’espèce humaine.

Tiken Jah Fakoly
Avec son Coup de gueule, il creuse le sillon tracé par Françafrique, l’album qui lui a valu une victoire de la musique en France en 2002. Puisant son inspiration à la fois dans la situation déliquescente de son pays, la Côte d’Ivoire, et dans la mondialisation qui prend en tenaille son continent, le chanteur, réfugié à Bamako, a utilisé la même recette et mis à contribution des valeurs sûres dont l’inusable Tyrone Downie à la réalisation. Avec des sons enregistrés à Kingston, en Jamaïque, pour la rythmique reggae roots et à
Ouagadougou pour le parfum afro, Tiken livre des textes rageurs (« Quitte le pouvoir », « Plus rien ne m’étonne », « Où veux-tu que j’aille »), traduction du malaise de l’exilé qu’il est et du militant altermondialiste qu’il est devenu. Le résultat est convaincant, et, sur scène, Tiken a pris du galon, ce qui augure une forte présence en 2005. D’autant
qu’on le verra aussi au cinéma dans Les Oiseaux du ciel d’Éliane de Latour, film pour lequel il a écrit une chanson et où il jouera son propre rôle.

Les griots du Mandé
Ultime moment de béatitude, le rayonnant album Mandekalou, qui réunit quelques figures
authentiques de l’art griotique africain : Kémo Kouyaté, Alkaly Camara, Djelimady Tounkara, Lafia Diabaté, Kassé Mady Diabaté, Kandia Kouyaté, Mama Sissoko, Sékouba « Bambino » Diabaté, Kerfala Kanté, Djessou Moty Kanté, Mamadou Diabaté, Baïssa Koné, Bako Dagnon, Kémo Condé Autant de voix et de trésors vivants à inscrire au patrimoine de l’humanité. Ibrahima Sylla, le grand gourou d’Africando et producteur de « Soro », uvre
fondatrice de la carrière internationale de Salif Keïta, a réuni avec subtilité la crème de cette expression artistique qui remonte au XIIIe siècle dans Mandekalou, qui veut dire « le peuple du Mandé ». L’effet est immédiat.

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