Giscard-Senghor, deux Afrique

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 2 minutes.

En briguant la place laissée vacante par Léopold Sédar Senghor, décédé le 20 décembre 2001, Valéry Giscard d’Estaing avait toutes les chances de se faire élire à l’Académie française. Même s’il n’y a aucune automaticité en la matière, il est de bon ton qu’un ancien président succède à un autre président. De fait, Giscard réussira aisément l’examen de passage, le 11 décembre 2003, recueillant, dès le premier tour de scrutin, 19 voix sur 34.
Seulement, comme le veut la règle, le nouvel académicien doit se fendre d’un éloge de son prédécesseur à l’occasion de son entrée solennelle sous la Coupole. Pour préparer le discours de réception qu’il a prononcé le 16 décembre, VGE avait pris soin de faire une excursion au Sénégal, en mai, pour se nourrir des lieux qui ont forgé la personnalité de Senghor et inspiré son oeuvre. Après un pèlerinage au cimetière catholique de Bel-Air, à la périphérie de Dakar, où repose le « poète-président », Giscard s’était déplacé à une centaine de kilomètres au sud de la capitale, à Joal, où Senghor a vu le jour en 1906, et à Djilor, village de sa mère, où il a passé une partie de sa petite enfance.

« Je partirai d’abord à la recherche du petit gamin aux fines jambes noires, lisses comme deux traits d’encre, qui courait sur la plage de Joal pour y attendre le retour de la pêche des longues pirogues, gai et insouciant comme l’Afrique. » Avec ce superbe cliché pour entrée en matière, on pouvait craindre le pire de l’allocution de Giscard. La suite, moins personnelle, et probablement puisée aux meilleures sources, notamment quand il évoque la négritude, montrera que le nouvel académicien est plus à l’aise avec les réflexions générales que lorsqu’il tâte de la littérature.

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Ce qu’allait confirmer quelques instants plus tard Jean-Marie Rouart, chargé comme le veut la coutume de répondre à l’Immortel intronisé : « L’Académie française, contrairement à l’idée reçue, n’a pas pour but de rassembler exclusivement en son sein les meilleurs écrivains d’une époque, mais de mêler un certain nombre d’entre eux à ceux qui ont honoré la France. » Tout était dit, et l’on ne reviendra pas ici sur l’oeuvre littéraire de VGE, réduite à quelques essais de circonstance, deux volumes de Mémoires (Le Pouvoir et la Vie) et un roman, Le Passage, qui fut la risée de toute la critique.
S’il est une comparaison à faire avec Senghor, assurément l’un des plus grands poètes de langue française contemporains, ce n’est donc par sur le plan littéraire, mais sur l’image que l’un et l’autre renvoient de l’Afrique. D’un côté, un homme d’État exemplaire, qui a mis la démocratie sur les rails dans son pays avant de quitter de lui-même le pouvoir ; de l’autre, un amateur de safaris, ami du bouffon Bokassa qui fait aujourd’hui encore honte au continent.

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