Demain, des voitures propres

Dans la compétition acharnée que se livrent les constructeurs pour répondre au défi de la pollution, le japonais Toyota a pris une longueur d’avance avec la motorisation hybride. Explications.

Publié le 20 décembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Elle s’appelle Prius et a été élue, le 15 novembre, Voiture de l’année 2004 par un jury international composé de cinquante-huit journalistes. Sa particularité ? Une motorisation hybride, associant moteur électrique et moteur à essence, ce qui en fait un véhicule peu polluant. Toyota est le premier constructeur à avoir mis sur le marché une telle innovation, puisque la première version de la Prius hybride remonte à 1997.
Dans le détail, la technologie hybride permet d’utiliser le moteur le plus adéquat selon le contexte. Les problèmes de pollution étant plus sensibles en centre-ville, la voiture utilise l’énergie électrique au départ et à faible vitesse. Sur route, en revanche, le bon vieux moteur à explosion prend le relais et recharge la batterie. Les deux systèmes peuvent être utilisés ensemble dans les montées et en cas de dépassement. À l’inverse, en descente et au freinage, le moteur est coupé, mais l’énergie du véhicule permet de produire de l’électricité. C’est compliqué ? Que nenni ! Un système électronique s’occupe automatiquement de la répartition.
Pour Stéphane Biscaglia, de l’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), « cette double motorisation est la meilleure solution pour diminuer la pollution, car cette technologie est la plus viable économiquement, à court et moyen terme. […] La voiture hybride peut être celle de monsieur Tout-le-Monde. »
Question performance, la puissance du moteur permet d’atteindre les mêmes vitesses qu’un véhicule traditionnel, et la consommation moyenne de carburant est évaluée à seulement 4,3 litres sur cent kilomètres. Ultime argument : Toyota annonce une réduction des émissions polluantes à hauteur de 90 %. Plus prudente, l’Ademe estime que la Prius produit 104 grammes de gaz carbonique (CO2) par kilomètre, au lieu de 150 pour un véhicule comparable.
En 2004, la firme japonaise aura produit un total de 130 000 Prius. En 2005, les prévisions dépassent 180 000 exemplaires, le modèle rencontrant un vrai succès en Californie et s’étant imposé au Japon. Toyota a par ailleurs vendu sa licence technologique à Nissan, qui annonce un modèle pour 2006, et à Ford, qui propose déjà un quatre roues motrices aux États-Unis avec l’Escape Hybrid. Sur le marché américain, l’hybridation constitue une réelle avancée pour les 4×4, gros consommateurs de carburant. Dans cette catégorie, Toyota propose à sa clientèle le Highlander.
Côté européen, en revanche, on tient à relativiser les bienfaits supposés de la technologie hybride et on présente le diesel comme la solution la plus efficace. La consommation est réduite de 20 % par rapport à l’essence et la nouvelle norme anti-pollution fixée par Bruxelles (après consultation des constructeurs), qui entre en application le 1er janvier 2005, impose une réduction par deux des émissions polluantes par rapport à l’année 2000. Pour André Douaud, directeur technique du Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), ces chiffres prouvent « que le diesel est propre, grâce notamment aux moteurs à injection directe et aux filtres à particules, de plus en plus généralisés ». Il reconnaît toutefois que l’hybridation est une alternative intéressante pour les déplacements urbains durant lesquels l’énergie électrique peut se substituer aux carburants, diminuant ainsi la propagation de gaz à effet de serre. La circulation routière produit à elle seule 14 % des émissions de dioxyde de carbone, un chiffre qui ne cesse d’augmenter, alors que l’industrie mondiale a consenti de gros efforts pour diminuer ses rejets dans l’atmosphère.
Assisterions-nous à une révolution technologique majeure avec, à la clé, une marginalisation du pétrole ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il est clair que les constructeurs s’intéressent de plus en plus au concept de voiture propre. L’arme absolue contre la pollution pourrait être le moteur à hydrogène, qui ne rejette que de la vapeur d’eau. Toyota, Honda, DaimlerChrysler et General Motors ont mis au point des prototypes, mais le prix de vente avoisine plusieurs centaines de milliers d’euros. L’hydrogène est par ailleurs un gaz potentiellement explosif au contact de l’air, et sa fabrication d’origine nucléaire ou thermique pose de gros problèmes de stockage et de distribution. C’est pourquoi il convient d’étudier d’autres pistes.
Près de 900 millions de véhicules circulent dans le monde. Un chiffre qui devrait doubler d’ici à 2020 avec, notamment, l’explosion du marché chinois : + 15,2 % en 2004. Aujourd’hui, 24,2 millions de véhicules circulent en Chine, mais ce chiffre pourrait doubler d’ici à dix ans. À l’horizon 2008, si la croissance de 8 % à 9 % se poursuit au même rythme, la Chine consommera, chaque année, l’équivalent de la production pétrolière du Koweït. Pour s’affranchir de cette dépendance énergétique et répondre au défi environnemental, Pékin a inscrit la motorisation électrique au nombre de ses priorités technologiques. En France, le groupe Bolloré, qui s’est aussi lancé dans l’aventure de l’électrique avec Matra Automobile Engineering, va présenter un prototype au Salon de Genève, en mars 2005. Puissante, fiable et évidemment non polluante, cette voiture urbaine pour deux personnes est alimentée par une pile à lithium dont l’autonomie est de 200 à 300 kilomètres pour une vitesse maximum de 130 km/h. Pour l’instant, le prix n’est pas connu, mais cette voiture devrait être moins chère à l’achat et à l’usage qu’un véhicule classique de même gamme. Pour l’industrialisation, le PDG de Renault, Louis Schweitzer, se dit prêt à s’associer si les tests de la batterie confirment son autonomie. « Tout le monde était assez sceptique, a déclaré Vincent Bolloré devant la presse. Nous avons travaillé dans notre coin jusqu’au moment où nous nous sommes sentis prêts. » L’homme d’affaires a investi dans ce projet 200 millions d’euros. Jusqu’à présent, il ne nous a pas habitués à perdre de l’argent.

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