Un sondage et des questions

La publication d’une enquête d’opinion commandée par l’Onuci suscite la polémique.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Le démenti du 13 novembre, réitéré le lendemain par Pierre Schori, le représentant spécial de Kofi Annan en Côte d’Ivoire, n’y a rien changé : les résultats du sondage de l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) qu’une fuite a rendus publics a quasiment relégué au second plan le bras de fer entre le président Laurent Gbagbo et le Premier ministre Charles Konan Banny à propos de la résolution 1721 du Conseil de sécurité. L’étude, commanditée au cabinet ivoirien Results et menée du 14 au 24 juillet sur l’ensemble du territoire, n’est pourtant qu’une pratique banale. La plupart des missions onusiennes de maintien de la paix y ont recours pour « mieux connaître les besoins des populations et affiner leurs actions sur le terrain », s’est défendue l’Onuci. Qui précise également que « le travail a été fait sur la base d’un questionnaire en vingt-cinq points portant sur des thèmes aussi variés que la perception du processus de paix, l’image de la mission dans le pays, le rôle de la radio Onuci FM, la personnalité bénéficiant du respect des sondés – un échantillon de 5 000 personnes ».
Un certain nombre d’enseignements en ont été tirés. On y apprend notamment que 91 % des Ivoiriens se disent « prêts à s’investir dans la paix », 75 % d’entre eux pensent que « le pays peut être au-dessus des problème ethniques », 53 % sont « favorables à l’Onuci » contre 22 % qui lui sont hostiles, et 83 % de ses auditeurs indiquent que la radio de la représentation onusienne reste « une référence en matière d’information ». Mais le point sur la personnalité « la plus respectée » semble avoir été le seul à retenir l’attention des médias. Il est vrai que, même s’il ne portait pas sur les intentions de vote des sondés, celui-ci, compris et interprété comme tel par une partie de la presse, plaçait en tête Laurent Gbagbo (39,3 %). Suivaient Alassane Ouattara (9,4 %) ; Charles Konan Banny (7 %) et l’ancien président Henri Konan Bédié (4,7 %).
À l’exception du premier, qui gagne dix points par rapport à la précédente étude de l’Onuci en avril dernier, tous reculent. Assez pour que la presse proche du camp du chef de l’État en noircit ses colonnes, avec d’autant plus de gourmandise qu’il y a un an et demi, un autre sondage révélait des tendances tout autres. Une estimation française, réalisée à la demande de l’Élysée, affichait alors les résultats suivants au premier tour : Bédié était crédité de 33 % à 35 % des voix ; Gbagbo de 22 % à 25 % ; Ouattara de 18 % à 22 %. Presque dans la foulée, les résultats d’une étude confidentielle de la Sofres réalisée dans la partie sud du pays et commanditée par la présidence ivoirienne accordaient au second tour 52 % des suffrages au chef de l’État, contre 48 % à Bédié.
En fait, la plupart des écuries politiques, celle de Gbagbo comme celle du Rassemblement des républicains (RDR, de Ouattara), ne se privent pas, comme un peu partout du reste, de faire mesurer leur audience, même si elles n’en rendent pas les résultats publics. C’est le seul baromètre dont elles disposent depuis les législatives de décembre 2000 boycottées par le RDR. Le Front populaire ivoirien (FPI, de Gbagbo) était alors arrivé derrière le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, de Bédié) : 96 sièges contre 98. Aux municipales de l’année suivante, avec 64 mairies contre 59 au PDCI et 33 au FPI, le RDR enlevait la mise, s’adjugeant même de grandes agglomérations comme Bouaké (la deuxième ville du pays), Gagnoa, Daloa ou encore Soubré, réputées être des fiefs du FPI. Depuis, la situation de crise prolongée ayant cristallisé les positions, interdit les transhumances d’un camp à l’autre, les journaux, chacun de leur bord politique, s’en tiennent à donner une information brute, rapidement interprétée sans trop de soucis de vérifications. Pourvu que celle-ci amène le lecteur à prendre immédiatement parti, à se faire d’emblée une opinion.
L’Onuci le vérifie aujourd’hui à ses dépens, dont le sondage ne cessera pas de sitôt d’alimenter les conversations dans les cours des maisons ou dans les canisses des maquis. Et envisage d’ores et déjà de diligenter une enquête au sein de ses propres services comme auprès du cabinet d’études Results pour savoir comment cette simple évaluation de son travail est tombée entre des mains étrangères et, surtout, pour se prémunir contre toute accusation de parti pris politique.

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