Un musulman au Vatican

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Pourquoi Benoît XVI a-t-il invité l’universitaire algérien Mustapha Chérif à s’entretenir avec lui, le 11 novembre, des relations entre le christianisme et l’islam ? Pourquoi ce professeur de philosophie de 56 ans, ex-ambassadeur et ex-ministre de l’Enseignement supérieur, et pas un chef religieux ? Tout simplement parce que Mustapha Chérif avait demandé à le voir
Tout commence au mois d’avril, lorsque le pape rattache le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux au Conseil pontifical pour le dialogue avec les cultures et les non-croyants. L’universitaire, qui vient de sortir aux éditions Odile Jacob un essai intitulé L’Islam. Tolérant ou intolérant ?, écrit à Benoît XVI pour s’inquiéter d’un recul par rapport aux principes du concile Vatican II. En même temps, il lui envoie son ouvrage. Trois mois plus tard, le chef de l’Église catholique répond par l’intermédiaire de son secrétaire d’État : « J’ai été très touché par votre lettre et ai beaucoup aimé votre livre. » Chérif exprime alors le souhait de le rencontrer. Dès le mois de juillet, le principe d’une rencontre est arrêté.
Arrive le désormais fameux discours de Ratisbonne, le 12 septembre, et la crise planétaire qui s’ensuit (J.A. n° 2385). Chérif adresse au pape une deuxième lettre, dans laquelle il accepte ses regrets et insiste sur l’urgence d’un dialogue. Cette lettre sera publiée dans Le Monde du 20 septembre. Si, à la veille de son voyage en Turquie (28 novembre-1er décembre), Benoît XVI choisit de recevoir Mustapha Chérif, et pas un autre, c’est, estime l’intéressé, parce qu’il connaît bien la théologie chrétienne, mais aussi parce qu’il refuse la polémique et, en fin de compte, représente la majorité silencieuse.
L’entretien se déroule en tête à tête dans la bibliothèque privée du Saint-Père. Il durera presque une demi-heure alors que le protocole avait prévu une dizaine de minutes. Le pape, qui parle fort bien le français, quitte son bureau pour s’asseoir à côté de son hôte. Il se montre aimable, ouvert, et lui offre une médaille de l’amitié. Ambiance « fraternelle », raconte Chérif. Benoît XVI répète qu’il n’a jamais voulu offenser ses frères musulmans. Son interlocuteur lui rappelle la proximité des religions juive, chrétienne et musulmane, toutes issues du socle abrahamique, puis revient sur les déclarations de Ratisbonne et explique au Saint-Père le sens des notions de petit djihad (« guerre juste ») et de grand djihad, qui est la maîtrise de soi et l’élévation spirituelle. Quant à la raison, le Coran dit que la Révélation est venue l’éclairer et non la contredire. Dans l’islam, la liaison entre raison et foi est vitale. Enfin, pour ce qui est de la liberté, nul ne peut obliger quelqu’un à croire, parce que c’est une grâce de Dieu. Le pape semble émerveillé. « Mais il faut que cela soit connu ! » s’exclame-t-il.
La rencontre aura un écho considérable. Tous les médias arabes l’ont saluée et, en France, la presse en a largement rendu compte. Que cela agace nombre d’intellectuels et de spécialistes patentés de l’islam n’y change rien : Mustapha Chérif, qui est un excellent communicateur, tient un discours de paix et de fraternité qui plaît, aussi bien aux musulmans qu’aux chrétiens. Par les temps qui courent, ce n’est pas rien

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