Trois questions à Christian Folly-Kossi

Secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa)

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Quelle stratégie préconisez-vous ?pour que les compagnies africaines puissent faire face à la rude concurrence étrangère ?sur le continent ?
Christian Folly-Kossi : La première chose est de développer le marché intérieur que nous pouvons capter, là où il n’y a pas encore de concurrence extérieure. Il faut libéraliser le ciel africain et accroître les services aériens pour mettre fin à cette pratique qui consiste à devoir passer par l’Europe pour se rendre dans un pays voisin. Je rappelle que la Décision de Yamoussoukro, libéralisant le marché aérien du continent, est entrée en vigueur en 2000, avec un délai de grâce de deux ans pour son application par les pays africains. Cela n’a pas été fait parce que les « petits » pensent que les « gros » vont les manger. Ce qui est surprenant, c’est de voir se protéger contre les « gros » d’Afrique mais pas contre les « super-gros » d’Europe. Cela dit, la seule libéralisation du ciel ne suffira pas. Pour les personnes, il y a encore la barrière des visas. C’est pourquoi nous demandons la levée de ces obstacles, ou, à tout le moins, l’octroi d’un visa à l’arrivée à ceux qui ont comme « péché originel » de détenir un passeport africain
Mais les compagnies subsahariennes ne souffrent-elles pas avant tout d’un grave déficit de sécurité ?
Le dernier accident au Nigeria nous a beaucoup attristés (voir J.A. n° 2391). Les problèmes de sécurité sont notre préoccupation permanente. Nous, organisation professionnelle, avec la Commission africaine de l’aviation civile (Cafac), les représentants de l’Union africaine et les autorités nationales qui le désirent, devons visiter les pays à problème pour identifier les zones d’ombre et arrêter un programme de sécurisation avec les bailleurs de fonds. C’est là que l’Union européenne (UE) pourrait jouer un rôle utile, et non pas en jetant en pâture à l’opinion publique une « liste noire des compagnies africaines ». L’Afraa a d’ailleurs protesté auprès de l’UE. Sa liste compte 160 compagnies, dont 68 congolaises. Au Congo, quand elles existent, ces compagnies utilisent des Antonov et n’ont jamais eu l’intention d’aller en Europe. En Sierra Leone, l’UE dénonce une vingtaine de compagnies dont personne n’a jamais vu un seul avion. C’est une liste fantôme. C’est comme si pour protéger le trafic dans Paris vous interdisiez aux taxis-brousse d’y circuler.
N’y a-t-il pas aussi un problème de formation et de compétences ?
Il y a une fuite des cerveaux, j’allais dire une fuite de l’expertise. Dans les pays en développement, les États et les compagnies aériennes dépensent énormément d’argent pour former des pilotes. Or, aujourd’hui, des compagnies nanties du Golfe et d’ailleurs les recrutent à tour de bras en leur offrant des salaires deux à dix fois supérieurs. C’est exactement comme au temps de l’esclavage : on vient prendre les plus solides, les plus valides du continent pour les exiler. En football, la Fifa a réglementé le rachat des joueurs par les clubs. On l’a fait pour les sportifs, on doit le faire aussi pour les pilotes et les autres cerveaux.

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