Recette originale

Oubliée la crise des années 1990. Le pays est l’un des plus compétitifs de la planète.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Si à Berlin on dit « heureux comme Dieu en France », à Helsinki, sauf à évoquer le Père Noël en sa retraite lapone, ce serait plutôt « heureux comme un Finlandais en Finlande ». De fait, les indicateurs sont d’autant plus réjouissants qu’ils marquent un spectaculaire rétablissement après la crise économique des années 1990, quand l’effondrement de l’URSS a laissé la Finlande abandonnée par son principal client. Qu’on en juge plutôt : taux de croissance de 3 %, excédent budgétaire de près de 2 % du PIB, dette publique inférieure à 40 % du PIB, taux d’inflation de 2 %
Le secret de la Finlande tient à un modèle économique de type nordique, caractérisé par des prestations sociales généreuses, des services publics de qualité et largement accessibles, une modération salariale, des prélèvements obligatoires assez élevés mais bien répartis, une culture nationale du consensus, de l’égalité, de la frugalité et de l’effort individuel. Peut-être aussi l’entrée dans l’Union européenne et l’appartenance à la zone euro, en ouvrant à la Finlande un marché de 400 millions d’habitants, lui ont-elles permis de se spécialiser sur ses créneaux les plus compétitifs et de passer en quelques années d’une filière bois et papier prédominante à la haute technologie électronique.
La priorité donnée à l’enseignement, visible dans la part des dépenses d’éducation dans le PIB (6,4 % en 2002 contre 5,8 % en France et 5,3 % au Royaume-Uni) comme dans le soin apporté à la formation des enseignants, est un phénomène assez récent, trente ans au plus ; elle combine des caractères de gauche comme le collège unique et de droite comme une spécialisation assez rigoureuse entre enseignement général et enseignement professionnel.
La Finlande jouit aussi de la deuxième économie la plus compétitive de la planète, selon le Forum économique mondial, et la moins corrompue, selon Transparency International.
Mais tout n’est pas rose au pays des aurores boréales, en tout cas quand la démographie s’en mêle. Avec 1,8 enfant par femme, la Finlande n’est pas mal placée, mais l’allongement de la durée de vie fait que, dès 2010, la moitié des électeurs auront plus de 50 ans, alors que la France attendra pour cela 2015, l’Italie 2020 et l’Espagne 2025. La proportion des plus de 65 ans par rapport aux 15-64 ans passera de 25 % en 2000 à 37 % en 2020 et 48 % en 2050. Du fait de l’importance relative des prestations « collectivisées » (y compris les retraites) par rapport aux salaires et autres revenus individuels, le choc économique n’en sera que plus brutal ; d’autant que la diminution de la population active aura un impact négatif sur la croissance et donc sur les ressources publiques.
Le gouvernement prend des mesures énergiques pour éviter l’explosion d’un système dont dépend le consensus social, ou du moins en amortir les effets. Une réforme des retraites a débuté en 2005. L’âge moyen de départ en retraite (59 ans en 2006) devrait progressivement atteindre 62 à 65 ans. Un effort sera fait pour limiter les départs anticipés, pour raison de chômage longue durée ou d’incapacité ; ceux-ci, comme dans les autres pays nordiques, permettent une minoration artificielle du taux de chômage alors que le taux d’activité baisse.
Pour enrayer cette réduction et maintenir un taux de croissance assez dynamique, la productivité devra encore progresser et le système éducatif continuer de faire des miracles. La demande extérieure devra être stimulée en conservant des taux élevés de R&D, essentiels dans les technologies de la communication. Enfin certaines rigidités, apparaissant par exemple dans la négociation centralisée des salaires, ou dans le maintien d’activités non compétitives, devront être relâchées.
L’exemple des réussites et des défis finlandais est à méditer. Il a aboli la pauvreté, permis au plus grand nombre de s’intégrer dans le processus économique. Mais le gouvernement doit maintenant surmonter la résistance que les populations les plus disciplinées opposent aux réformes remettant en question une égalité à laquelle elles tiennent d’autant plus fermement qu’elles ont le sentiment d’avoir « joué le jeu ».

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