Oui au mariage gay

Le pays a décidé de légaliser les unions entre personnes de même sexe. Malgré l’opposition d’une large partie de l’opinion.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Les gays et lesbiennes sud-africains voient désormais la vie en rose. Après les Pays-Bas, la Belgique, l’Espagne, le Canada et la Grande-Bretagne, l’Afrique du Sud a rejoint, le 14 novembre, le club très très privé des six pays du monde où le mariage homosexuel est reconnu par la loi. Grâce à un texte adopté par 230 voix pour, 41 contre et 3 abstentions, la nation Arc-en-Ciel devient aussi la première en Afrique à autoriser l’union de deux personnes de même sexe, par mariage ou par union civile. Un pavé dans la mare, en quelque sorte, l’homosexualité restant largement taboue sur le continent. Elle est, en effet, toujours illégale dans tout le Maghreb et dans la quasi-totalité de l’Afrique subsaharienne, à l’exception de quelques rares pays comme la Côte d’Ivoire et le Mali. Il n’est pas rare non plus qu’elle soit considérée comme une « déviance » occidentale étrangère aux murs africaines. Les présidents Olusegun Obasanjo, Robert Mugabe, Yahya Jammeh, et bien d’autres se sont plusieurs fois exprimés avec violence sur cette question.
L’Afrique du Sud confirme ainsi son statut de pionnier en la matière. Sa Constitution de 1996 a été la première au monde à interdire toute discrimination en raison de l’orientation sexuelle. C’est d’ailleurs elle qui est à l’origine de la loi actuelle. Saisie par un couple de lesbiennes qui souhaitaient se marier, la Cour constitutionnelle s’est appuyée sur le texte pour justifier sa décision de décembre 2005, donnant un an au Parlement pour modifier la loi de 1961 qui définit le mariage comme l’« union volontaire […] d’un homme et d’une femme » exclusivement.
Les chefs traditionnels sont aussitôt montés au créneau, stigmatisant l’homosexualité comme un déni de la culture africaine et de la nature humaine, tandis que la plupart des confessions religieuses y voyaient une offense à Dieu. Pas moins de quatre-vingt d’entre elles, dont l’Église catholique, se sont unies autour d’une « Alliance pour le mariage », déterminées à tuer l’initiative dans l’uf. Contre toute attente, l’Église hollandaise réformée, pilier du régime de l’apartheid, ne s’est pas associée à cette démarche.
La loi votée le 14 novembre a été présentée par le ministre de l’Intérieur, Nosiviwe Mapisa-Nqakula, comme l’un des moyens de rompre avec le passé. « Lorsque nous avons obtenu notre démocratie, a-t-il rappelé, nous avons cherché à nous distinguer d’un passé douloureux et injuste en déclarant que plus jamais un Sud-Africain ne sera victime de discrimination à cause de sa couleur, de ses croyances, de sa culture ou de son sexe. »
Cette nouvelle loi s’inscrit donc dans la politique de lutte contre toute forme d’exclusion dans laquelle s’est lancé le pays de Nelson Mandela, dans l’espoir de définitivement tourner la page de l’apartheid. En 1998, il a aboli la loi issue du régime raciste qui interdisait les rapports sexuels entre deux hommes… un juste retour des choses, certains militants des droits homos ayant pris une part active dans le combat contre l’apartheid. Menacés dans leur chair, ils ont, eux aussi, eu à souffrir de la discrimination et de la ségrégation. Leur rôle a été déterminant dans l’élaboration de la Constitution et la rédaction de l’article 9 sur l’égalité. Ils ont vu alors peu à peu leurs droits reconnus, notamment avec la possibilité, en 2002, d’adopter des enfants. En termes d’immigration, le gouvernement a accordé aux partenaires étrangers des citoyens sud-africains les mêmes droits que ceux dévolus aux « époux officiels », en tant que life partner. Et l’asile est concédé aux homosexuels persécutés dans leur pays.
Pour autant, la vie n’est pas toujours facile en Afrique du Sud et les préjugés sont vivaces. En 2005, près du Cap, une lesbienne a été lapidée à mort par la foule. Quant aux gays des townships, ils préfèrent toujours se cacher, et il n’est pas rare que les lesbiennes soient violées par des hommes qui veulent les « corriger ».
Sur cette question, comme sur d’autres problèmes éthiques, notamment l’abolition de la peine de mort et l’avortement, l’ANC, le parti au pouvoir, entend dépasser les réticences, voire l’hostilité, de l’opinion publique. Ses parlementaires avaient pour consigne de voter massivement le texte, le 14 novembre. Au grand bonheur de la communauté gay, malgré la clause qui permet aux officiers de l’état civil d’invoquer des « objections de conscience » pour refuser de célébrer l’union de deux personnes de même sexe.

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