Marketing ethnique : Ak-a ouvre une brèche

Un cabinet conseil réussit à constituer un panel d’Afro-Français pour réaliser des enquêtes à la demande. Une première !

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Et si le tabou finissait par tomber ? C’est avec cet espoir, peut-être cette intuition, que, il y a tout juste un an, quatre jeunes entrepreneurs ont créé Ak-a, l’un des premiers cabinets de conseil français en « marketing ethnique ». Dans une république arrimée au sacro-saint principe d’indivisibilité, au nom duquel la loi interdit explicitement de recueillir des données sur l’origine raciale ou ethnique d’un citoyen, les grandes marques désireuses de mieux cibler, par exemple, le « segment » des consommateurs noirs sont bien en peine de connaître les attentes et comportements de ces derniers. Aux États-Unis, les sondages en fonction de l’appartenance ethnique font florès, les entreprises en redemandent. Pourquoi pas en France ?
Les fondateurs d’Ak-a – trois sont d’origine antillaise, le quatrième est breton – s’emparent du créneau. Leur idée est de constituer un panel de Noirs qui permette de réaliser, via Internet, des enquêtes à la demande pour tout type de client (institutions, entreprises, hommes politiques) : les Noirs et les soins des cheveux, si le client s’appelle L’Oréal ; les Noirs et les lois sur l’immigration choisie, s’il s’appelle Nicolas Sarkozy Au terme de « Noir », Ak-a préfère celui d’« Afro-Français », parce qu’il évoque plus qu’une simple couleur : une culture.
Pour contourner l’obstacle du droit, une parade, légale, est imaginée : dans le questionnaire, le sondé devra cocher une case sur son pays d’origine. Et si c’est la France, il devra préciser le département : Isère, Guadeloupe, Réunion, Loir-et-Cher Un moyen, qui comporte certes une marge d’erreur, de préciser la communauté du panéliste. « On a intérêt à ce que le principe républicain tombe un jour », plaide Didier Mandin. Ne serait-ce que pour savoir si l’échantillon utilisé est représentatif du public visé.
Aujourd’hui, 3 000 personnes ont déjà répondu à une étude Ak-a. Une base de données régulièrement enrichie, qui pourra être utilisée pour les « deux beaux contrats » que vient de remporter l’institut, dont l’un a été signé avec « une société d’envergure internationale ». Actuellement, le prix d’une étude varie entre 3 000 et 10 000 euros. Avec le temps et ?en fonction des exigences des clients, les tarifs pourraient augmenter.
À l’issue de sa première année d’activité, Ak-a espère réaliser un chiffre d’affaires de 100 000 euros. C’est loin d’être mirobolant. Mais les « ethno-marketeurs » voient un motif d’espoir dans l’étude qu’ils ont publiée en juin, réalisée auprès de 816 Afro-Français : 73 % des panélistes estiment rencontrer des difficultés pour trouver des produits alimentaires provenant de leur terre d’origine, 43 % d’entre eux passent au moins une fois par semaine des appels à l’étranger, 38 % des Afro-Françaises dépensent chaque année 184 euros en maquillage Le genre d’informations que recherchent les services de marketing. Dans un autre sondage sur l’immigration choisie, publié en mai, on apprend que 37,7 % des 518 Afro-Français interrogés disent avoir une « très mauvaise opinion » de Nicolas Sarkozy. L’intéressé n’est pas le commanditaire de l’étude. Mais si, un jour, ce dernier s’appelait Jean-Marie Le Pen ? « On serait bien embêtés », reconnaît Didier Mandin.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires