Les nouveaux créanciers

Au moment où les institutions financières privilégient les prêts concessionnels, d’autres bailleurs, plus indulgents, proposent des prêts plus chers.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Après une arrivée tonitruante sur la scène pétrolière du continent, Pékin est en train de s’imposer comme un nouvel acteur phare de la dette africaine. Le troisième Forum sino-africain, qui s’est tenu les 4 et 5 novembre à Pékin, le confirme, puisque l’empire du Milieu s’est engagé à accorder 3 milliards de dollars de prêts préférentiels et 2 milliards de crédits à l’exportation au cours des trois prochaines années. De l’argent frais, mais qu’il faudra un jour rembourser.
« Alors que le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale se lancent dans un processus de réduction de la dette et privilégient des prêts concessionnels bon marché, de nouveaux bailleurs apparaissent avec des prêts aux prix du marché, plus chers. À terme, la solvabilité des pays emprunteurs peut être menacée », explique Nicolas Pinaud, économiste à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Avant de préciser qu’« il est malgré tout trop tôt pour dire que l’Afrique s’endette à nouveau ».
De fait, la dette totale de l’Afrique subsaharienne est passée de 231,3 milliards de dollars en 1996 à 218,4 milliards en 2004. Quant à la dette extérieure envers des créanciers publics, elle ne représentait plus, en 2005, selon le FMI, que 26 % du PIB, contre 44 % en 2002. Les diverses annulations accordées par le Club de Paris, l’initiative pour les pays pauvres très endettés (PPTE), ainsi que celle pour l’allégement de la dette multilatérale (IADM) lancée par les pays du G8 en juin 2005 ont produit quelques effets. Seulement voilà, ces aides sont conditionnées et s’accompagnent systématiquement de contraintes budgétaires et d’appels pressants à une meilleure gouvernance. À l’inverse, « les aides publiques au développement offertes par les pays tels que la Chine comportent moins d’obligations que celles proposées par le Club de Paris et les organisations multilatérales. Elles sont donc plus intéressantes pour les pays africains », note un rapport de l’OCDE. Pour l’organisation, l’indulgence chinoise est lourde de menaces sur le fragile équilibre financier avec lequel l’Afrique est en train de renouer. Sans nommément citer Pékin, le FMI lance, pour sa part, une mise en garde à peine voilée dans son dernier rapport, « Perspectives économiques régionales 2006 » : « La totalité de la dette émise ou garantie par l’État doit être contractée selon des règles bien comprises par tous les organes publics et dont l’application est surveillée. »
Mais si la Chine se veut généreuse avec ses nouveaux partenaires, ces derniers peuvent aussi compter sur les marchés financiers, qui regorgent de liquidités. L’an dernier, les flux nets de capitaux privés vers les pays du Sud ont atteint le montant historique de 490 milliards de dollars. Même si la part africaine reste faible, ce sont tout de même 28,4 milliards qui ont été investis sur le continent, soit plus que l’aide publique au développement accordée à l’Afrique, qui plafonne à 25 milliards. Les transferts des migrants font partie de ces flux, mais pour le reste, il s’agit d’obligations, de prêts bancaires et d’investissements, avec le risque d’un retour en force de la dette.
Exemple : les émissions de titres (bons du Trésor, emprunts obligataires) dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) ont doublé en 2005, passant de 240 milliards de F CFA (470 millions de dollars) à 484 milliards de F CFA (949 millions de dollars). Sur l’ensemble de la zone franc, les réserves bancaires dépassent 1 200 milliards de F CFA. Il y a donc encore de la marge et les États qui ont régularisé leur situation avec les institutions de Bretton Woods comptent bien utiliser cette manne pour financer leur développement. Soucieux de diversifier leur portefeuille et encouragés par cet engouement, les fonds d’investissement internationaux et les banques commerciales sont de plus en plus attirés par ce « nouveau marché émergent ». Conséquence quasi mécanique : les moyens de s’endetter se diversifient pour les pays africains.

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