Guelleh en chef d’orchestre

En prenant la présidence du Marché commun d’Afrique australe et orientale, le chef de l’État djiboutien devient un interlocuteur de poids dans une région instable.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Les Djiboutiens ont réussi leur pari : recevoir le sommet d’une organisation économique régionale regroupant vingt pays. Les 15 et 16 novembre, Djibouti a en effet relevé le défi d’accueillir le 11e Sommet du Comesa, le Marché commun de l’Afrique australe et orientale. Un succès qui confirme le dynamisme de ce petit pays de 23 000 km2 indépendant depuis une trentaine d’années seulement, qui fait aujourd’hui figure d’îlot de stabilité dans la Corne de l’Afrique. Et qui, s’il n’est pourvu ni en pétrole, ni en or, ni en diamant, s’appuie sur une multitude d’idées à revendre et une position géostratégique ayant séduit les plus grandes puissances militaires de la planète.
En 2005 pourtant, quand, à Kigali, le président Ismaïl Omar Guelleh a proposé à ses pairs du Comesa d’accueillir leurs onzièmes assises, nombreux sont ceux qui ont manifesté leur scepticisme. « Vos capacités hôtelières ne vous permettent pas d’organiser une manifestation d’une telle envergure », avaient affirmé certains. « Nous allons vous surprendre », avait répondu le président djiboutien. Effectivement. En un temps record, les hôtels de la ville ont été rénovés et deux nouveaux établissements ont été construits : le Djibouti Palace Kempiski et l’Impérial Hôtel.
Du coup, aucun problème ne s’est posé pour héberger la dizaine de chefs d’État – et leurs épouses -, mais aussi la cinquantaine de ministres des Affaires étrangères ou du Commerce et les centaines de membres des différentes délégations invités au sommet. En outre, les craintes exprimées ici et là à propos du transport ou de la sécurité ont vite été balayées. Le président érythréen, Issayas Afewerki, n’a pas hésité à venir par la route à travers le pays afar, où on ne lui compte pas que des amis C’est donc avec une fierté non dissimulée que, le 15 novembre, Ismaïl Omar Guelleh a pris le relais du Rwandais Paul Kagamé à la présidence du Comesa.
Consacré, comme les précédentes, à la question du développement des échanges commerciaux, la 11e conférence de l’organisation s’est penchée sur « l’Union douanière, mécanisme de consolidation de l’intégration régionale ». D’emblée, Ismaïl Omar Guelleh a donné le ton. Si, pendant son mandat, Paul Kagamé s’est attaché à sortir l’institution de la torpeur dans laquelle la complexité de ses structures l’avait plongée (la zone de libre-échange du Comesa n’a pas l’adhésion de tous les membres de l’organisation, il existe un manque de coordination dans les pourparlers avec l’Europe en matière de partenariat, certains États préférant jouer en solo, etc.), Guelleh entend consacrer le sien à convaincre les investisseurs arabes de s’implanter sur les marchés d’Afrique de l’Est. Les surliquidités dans les pays du Golfe atteignent en effet des sommes astronomiques dont le président djiboutien aimerait faire profiter l’ensemble des membres du Comesa, et son pays en particulier, qui deviendrait alors le principal pôle d’échanges entre l’Afrique orientale et les riches pétromonarchies du Golfe.
Autre enjeu de la présidence du chef de l’État djiboutien : les conflits qui secouent la région, à commencer par la Somalie. Médiateur à plusieurs reprises de la crise qui déchire ce pays sans État depuis quinze ans, Ismaïl Omar Guelleh ne sera pas de trop pour éloigner les bruits de bottes qui s’amplifient dans la Corne de l’Afrique. Reste que sa mission ne s’annonce pas de tout repos, car il devra faire en sorte que deux membres du Comesa, l’Éthiopie et l’Érythrée, évitent de transférer la guerre larvée qu’ils se livrent sur leur frontière commune depuis des années sur le champ de bataille somalien, tout en gardant un il sur le Soudan et l’Ouganda. Alors que le premier est secoué par une crise au Darfour qui déborde déjà largement sur le Tchad et la Centrafrique, le second doit faire face à la rébellion des « fous de Dieu » du pasteur Kony. Guelleh a du pain sur la planche.

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