Grandes leçons d’un petit pays

Malgré son faible poids démographique, la petite république nordique, qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne, entend bien laisser sa marque.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 5 minutes.

A peine 1 % : voilà ce que représente la Finlande en termes de population dans l’Europe des Vingt-Cinq, soit 5,3 millions de Finlandais sur 462 millions d’habitants. C’est peu ? Sans doute, mais ce petit pays (338 000 km2) indépendant depuis le 6 décembre 1917 (seulement) et membre de l’Union européenne depuis 1995 a bien des leçons à donner. En matière de conduite automobile avec les pilotes voltigeurs que furent Ari Vatanen et Mika Hakkinen, formés sur les lacs gelés de leur pays ? En matière de design avec les émules du célèbre architecte Alvar Aalto (1898-1976) ? En matière de papiers cadeaux et de bûches glacées puisque le Père Noël habite, dit-on, du côté de Rovaniemi ? Oubliez les sarcasmes, les clichés et le mauvais esprit ! Dans bien d’autres domaines, le Suomi – nom finnois de la Finlande – peut se targuer d’avoir une longueur d’avance sur ses collègues européens. Exemples ? Parmi les dix-huit ministres du gouvernement de Matti Vanhanen, huit sont des femmes. Quant à la présidente, Tarja Halonen, elle a été réélue en 2006 pour six ans Champions de l’égalité des sexes, les Finlandais sont aussi des modèles de transparence et d’incorruptibilité. Si l’on en croit le classement de Transparency International, la Finlande est le pays le moins corrompu de la planète, derrière son lointain voisin scandinave, l’Islande. La liste pourrait s’allonger sur plusieurs pages : protection de l’environnement, éducation, recherche et développement, fonctionnement démocratique, respect des minorités caractérisent cette république située à l’extrémité septentrionale de l’Europe, voisine de la Suède, de la Norvège et de la Russie.
Depuis juillet 2006 et jusqu’à la fin décembre, la Finlande, représentée par son Premier ministre Matti Vanhanen (parti du Centre), assure la présidence du Conseil de l’Union européenne. Elle compte bien profiter de ce semestre pour mettre l’accent sur des sujets qui lui tiennent à cur avant de passer la main à l’Allemagne d’Angela Merkel. Dès juin 2006, Matti Vanhanen précisait les cinq priorités de la présidence finlandaise. Pour « l’homme le plus sexy de Finlande », comme l’a qualifié Jacques Chirac, « il est tout à fait possible de surmonter les problèmes rencontrés aujourd’hui par l’Union ». La première priorité de Matti Vanhanen est donc d’engager une nouvelle réflexion sur les suites à donner au traité constitutionnel rejeté par la France et les Pays-Bas. Rien d’étonnant : Vanhanen a été jusqu’en juillet 2003 l’un des 105 membres de la Convention sur l’avenir de l’Europe à l’origine de ce texte. Membre depuis seulement onze ans de l’Union, la Finlande reste en outre attachée à « une politique laissant la porte de l’Union européenne ouverte aux pays désireux et capables de la rejoindre ». En clair, elle est opposée à l’adoption de nouveaux critères d’adhésion et favorable à l’intégration de la Turquie et des pays de la région des Balkans. Selon Seppo Toivonen, conseiller culturel de l’ambassade de Finlande à Paris, l’Union représente « un outil très puissant pour favoriser le développement d’une société démocratique et d’une grande région de paix », et « il ne faut surtout pas fermer la porte ». Des négociations avec la Turquie et la Croatie auront lieu pendant la présidence finlandaise, et des décisions seront prises concernant la Roumanie et la Bulgarie.
Deuxième priorité : améliorer la compétitivité de l’Union. « Pour la Finlande, la croissance s’ancre dans l’innovation, le choix des options énergétiques, la qualité et la productivité du travail, la transparence du commerce mondial. » Grâce à une coopération serrée entre universités, entreprises et pouvoirs publics, la Finlande est l’un des pays les plus innovants qui soient – le roi du téléphone mobile Nokia (voir page 51) ou le système d’exploitation Linux du Finlandais Linus Torvalds illustrent à merveille cette créativité. Le constat de Matti Vanhanen est simple : « L’Union européenne ne manque pas d’innovations, mais nous avons un problème en ce qui concerne le passage de l’innovation au produit. » Partant, à la création d’entreprises et d’emplois Par ailleurs, dépendante à 70 % en matière d’énergie, la Finlande compte bien influer sur les Vingt-Cinq pour mettre en place une stratégie énergétique commune visant à consolider les liens avec les voisins producteurs que sont la Norvège, l’Algérie et, surtout, la Russie. Les relations avec cette dernière devant être « construites sur l’ouverture, la réciprocité et le fair-play ». Nul n’ignore aujourd’hui que le XXIe siècle sera celui des énergies, et bien que pionnière dans le domaine du renouvelable, la Finlande sait qu’elle ne peut combattre seule dans le domaine des énergies traditionnelles (pétrole, gaz)
Troisième priorité de la présidence finlandaise : consolider le rôle international de l’Union et la cohérence de ses actions. Seppo Toivonen se félicite d’ores et déjà du fait que « l’Union européenne ait réussi à avoir une position commune sur le Liban », mais d’autres défis sont à l’ordre du jour : rendre la force de réaction rapide opérationnelle pour 2007, améliorer les relations avec la Russie, accorder plus d’attention à l’Inde, qui ne bénéficie pas du même engouement que la Chine, se pencher sur la situation en Afghanistan, assumer un rôle moteur dans la gestion du conflit israélo-palestinien quand les yeux de l’Amérique sont rivés sur l’Irak En matière d’immigration, la position finlandaise est en contradiction complète avec les pratiques qui caractérisent la France. Pour Matti Vanhanen, « nous ne pouvons considérer l’immigration illégale seulement comme un sujet de sécurité frontalière et de contrôle de l’immigration. Ces pressions migratoires sont dues à un sérieux échec dans le développement des pays subsahariens, entre autres. Nous devons mieux travailler sur le développement. Nous devons faire plus pour l’Afrique. Construire de meilleures barrières n’est qu’une solution de court terme ».
Enfin, les quatrième et cinquième priorités de la présidence concernent l’amélioration de la situation juridique des citoyens d’une part, la transparence et l’efficacité des modes de fonctionnement d’autre part. Au total, on le voit, la Finlande propose à l’Europe d’appliquer les recettes qui lui ont permis de surmonter la crise des années 1990, c’est-à-dire « des modèles opérationnels associant raisonnablement, pour les individus, flexibilité, compétitivité et sécurité ». Reste à savoir si les Vingt-Cinq sauront entendre et mettre en pratique les conseils d’un « petit » pays de 5 millions d’habitants.

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