Des traditions à l’index

Circoncision, excision, scarifications : certaines pratiques liées à la coutume favoriseraient l’extension de la pandémie.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 2 minutes.

Les coutumes ancestrales africaines sont probablement elles aussi un vecteur de transmission du sida. Le constat peut passer pour une provocation. Il n’est pourtant pas loin de faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique qui travaille sur le continent, au fur et à mesure qu’elle étudie la prévalence du VIH chez les enfants. « Nous n’en savons pas encore beaucoup à ce propos, mais il ne fait aucun doute que certaines traditions africaines participent à l’extension du virus du sida », affirme le docteur Ed Mills, épidémiologiste à la McMaster University d’Hamilton, dans l’État canadien de l’Ontario, qui a réalisé une importante étude sur le sujet en Afrique du Sud.
D’après les premiers travaux, certaines pratiques culturelles seraient en cause. Ce serait le cas notamment des cérémonies de circoncision, d’excision ou de scarification, au cours desquelles les précautions sanitaires les plus élémentaires ne sont pas respectées. Ainsi, une même pince ou une même lame servirait à l’ablation des parties génitales ou à l’entaille de la peau de plusieurs dizaines d’individus, sans être désinfectée entre-temps.
La coutume qui veut qu’une seule femme allaite plusieurs nourrissons est également montrée du doigt. Courante en Afrique – elle permet à beaucoup de mères d’aller travailler -, elle comporte pourtant le risque d’une contamination simultanée de plusieurs bébés en bonne santé, le lait maternel ayant été identifié comme porteur fréquent du VIH. Mais l’inquiétude la plus grande concerne l’influence des guérisseurs et rebouteux, adeptes de la médecine traditionnelle à base de saignées et d’injections de sérums phytothérapeutiques. Nombreux et respectés, ils assurent les soins quotidiens de 70 % des Africains. « Les guérisseurs nigérians constituent un sérieux risque, car ils utilisent en permanence des instruments non stériles et mélangent le sang et les fluides corporels », expliquait le docteur Etete Peters dans un article paru en 2004 dans la revue Tropical Doctor.
La mise au jour du rôle indirect des traditions dans la transmission du sida a obligé les chercheurs à redéfinir leurs techniques de travail. « Si on ne fait que de la biologie, on ne fait que la moitié de notre travail », indique Marcel Manny Lobe, directeur du nouveau Centre de recherche sur le VIH-sida de Yaoundé, au Cameroun. « Désormais, nous devons faire aussi de la sociologie et de l’anthropologie, pour nous intéresser ensuite seulement à l’aspect biologique de la question », poursuit-il. « Pendant longtemps, nous n’avons abordé le sida que par le prisme de la sexualité, renchérit Bertrice Mabule, qui a lancé une Fondation pour la santé et l’éducation des enfants dans un village camerounais. Mais maintenant, il nous faut rappeler aux gens que le VIH peut aussi se transmettre autrement. » Reste une difficulté, et pas la moindre, en matière de prévention : le poids des traditions

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