Comment dissiper les nuages

Renforcement de la sécurité, allègement de la fiscalité, généralisation de la billetterie électronique, libéralisation Telles sont les principales recommandations de l’Afraa pour dégager l’horizon du ciel africain.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Le constat est amer : cinq ans après le 11 septembre 2001, le transport aérien international continue d’être une industrie en crise. Certes, le trafic a retrouvé des niveaux de croissance comparables – sinon supérieurs – à ceux d’avant, mais la flambée des prix du carburant est venue laminer les marges bénéficiaires des compagnies aériennes, le poste kérosène représentant en moyenne 13 % du coût d’exploitation, selon les dernières estimations de l’Association internationale du transport aérien (Iata). Sans oublier les investissements inhérents aux nouveaux impératifs sécuritaires que les États ont dû consentir pour se prémunir d’une menace terroriste qui ne faiblit décidément pas.
Ce qui est valable pour les compagnies occidentales l’est aussi pour les africaines. S’il est évident que la rentabilité est le premier souci de tous, les crashs à répétition en Afrique subsaharienne (135 morts dans sept accidents entre janvier et octobre 2006, après l’hécatombe de 2005 : 376 morts et 14 accidents) n’arrangent pas les affaires du secteur, dont l’image est sérieusement ternie. Pour redorer leur blason et regagner la confiance des passagers, plusieurs transporteurs africains ont pris le chemin de la mise à niveau par l’application de la norme Iosa (Programme de vérification de la sécurité des procédures d’exploitation), laquelle deviendra d’ailleurs obligatoire pour les compagnies membres de l’Iata à compter de 2008. À l’heure actuelle, cinq compagnies africaines ont déjà obtenu cette certification et onze autres sont engagées dans la procédure. Lors de la dernière assemblée générale de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa), du 6 au 7 novembre, au Caire, Tom Windmuller, vice-?président de l’Iata, a souligné combien il était important ?que les gouvernements prennent des mesures pour reconnaître ces standards de sécurité. Mais au niveau des institutions, il s’agit moins d’une question de prise de conscience que d’un problème de disponibilité des investissements.
Pourtant, le secteur du transport aérien génère d’importants revenus pour les États grâce aux redevances aéronautiques, aux taxes d’aéroports et à celles provenant du contrôle aérien. Dans la majorité des cas, les bénéfices sont réinjectés ailleurs que dans le transport aérien. Les compagnies elles-mêmes se plaignent de devoir s’acquitter de taxes trop lourdes sans bénéficier en contrepartie de prestations à la hauteur. Par exemple, pour un vol Ouagadougou-Paris, une compagnie est tenue de débourser l’équivalent de 803 euros en redevances aéronautiques pour le contrôle aérien uniquement. Ces taxes sont bien sûr répercutées sur le billet que paie le passager. Pour un tronçon Dakar-Ouagadougou, un voyageur doit s’acquitter de l’équivalent de 38 000 F CFA (58 euros) de taxes sur un billet de 170 000 F CFA. Une fiscalité qui n’arrange ni les transporteurs ni, a fortiori, les passagers.
Autre cheval de bataille de l’Iata, la généralisation de la billetterie électronique, qui permet de réaliser d’importantes économies sur le coût administratif. Si à l’échelle mondiale le taux de pénétration de ce que l’on appelle aussi le e-ticket a atteint 65 %, il est à 59 % en Afrique, mais avec des disparités énormes d’un pays à l’autre : 7 % en Éthiopie, 57 % en Ouganda, ou encore 69 % en Afrique du Sud. L’Iata, toujours elle, propose également à ses adhérents des programmes de réduction du coût en carburant allant de 3 % à 8 % par aéronef.
Les experts internationaux sont formels : pour développer leur économie, les États doivent accélérer la libéralisation du ciel et des services, comme l’a déjà fait l’Afrique du Sud. Le cas de ce pays est d’ailleurs édifiant : une croissance du trafic aérien supérieure à 8 % par an et 2,5 milliards de dollars de bénéfices escomptés dans les cinq années à venir. Autre exemple de politique d’ouverture réussie, celle du Maroc, où la Royal Air Maroc disposera de 70 fréquences sur l’Afrique australe au départ de son hub de Casablanca en 2007. Après son partenariat stratégique avec Air Sénégal International, la RAM projette de s’implanter dans d’autres pays (Gabon, Congo, et probablement en Mauritanie).
« Pour éviter que la croissance du trafic aille chez les concurrents, il faut relever le niveau de sécurité, remplacer la flotte par des avions plus jeunes et développer les technologies de l’information », s’est exclamé Bruno Frentzel, de la Sita (leader mondial des solutions technologiques) à la tribune de l’Afraa. Plus facile à dire qu’à faire, car le cloisonnement du marché africain a encore de beaux jours devant lui. Après les compagnies du Golfe (Qatar Airways et Emirates, notamment), c’est au tour de l’américain Delta Airlines d’annoncer l’intégration de l’Afrique à son réseau à compter de 2007. Et un expert de s’insurger : « Une seule de ces majors est plus grande que toutes les compagnies aériennes africaines réunies. Alors pourquoi chercher à résister ? C’est David contre Goliath. Le salut passe par un partenariat gagnant-gagnant. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires