Aide concentrée

L’aide publique à l’Afrique privilégie certains pays tout en mettant l’accent sur la lutte contre la corruption.

Publié le 20 novembre 2006 Lecture : 4 minutes.

En septembre 2000, l’ONU adoptait les « Objectifs du millénaire pour le développement » et donnait rendez-vous à ses membres en 2015 pour faire le bilan. Ce Sommet du millénaire était coprésidé par le premier président de Namibie, Sam Nujoma, et par la première femme présidente de la République de Finlande, Tarja Halonen. Ce n’est pas un hasard. Élue en 2000, réélue en 2006, avocate de formation et sociale-démocrate, Tarja Halonen passe volontiers pour une « altermondialiste ». Certains Finlandais lui reprocheraient même de porter plus d’intérêt aux paysans du Tiers Monde qu’à ses concitoyens Pour Christian Sundgren, directeur du département Information au ministère des Affaires étrangères, « Tarja Halonen met souvent en avant la coopération finlandaise et soutient ses nouvelles priorités comme les droits de l’homme et l’égalité des sexes. Elle a été ministre des Affaires étrangères et elle s’est beaucoup battue pour maintenir le budget de l’aide au moment de la crise économique ».
De fait, le pays a pris plusieurs années de retard sur ses voisins scandinaves en raison des coupes claires effectuées dans le budget de la coopération au début des années 1990. Si l’on considère les chiffres de l’aide publique au développement (APD) en 2004, la Norvège y consacrait 0,87 % de son PIB, le Danemark 0,85 %, la Suède 0,78 %, quand la Finlande se contentait d’un petit 0,35 %. Mais, avec 670 millions d’euros dépensés en 2006 pour l’APD, le taux monte aujourd’hui à 0,42 %. Les objectifs à court terme ? Atteindre 0,44 % en 2007 et 0,7 % en 2010.
Pendant longtemps, l’aide finlandaise s’est construite sur la base de projets de développement spécifiques. L’éducation primaire au Mozambique, le soutien au secteur forestier en Zambie, la promotion de la démocratie et des droits de l’homme en Tanzanie, par exemple. Dans ces domaines, la Finlande excelle. Mais forte de l’idée que « chaque pays se doit de prendre en charge son propre développement », elle tente aujourd’hui « d’approfondir la cohérence de sa politique d’aide ». En clair, cela signifie, d’une part, donner la faveur à des secteurs et des programmes d’ensemble plus qu’à des projets isolés et, d’autre part, canaliser la majeure partie de ses dons vers huit « partenaires de long terme ». Cinq d’entre eux sont africains : le Mozambique, la Tanzanie, l’Éthiopie, la Zambie et le Kenya. Le Nicaragua, le Népal et le Vietnam viennent compléter la liste. Cette sélection n’a pas été facile, mais pour Christian Sundgren, « la Finlande est un petit pays et un petit acteur. Nous avons essayé de nous concentrer sur des pays et des secteurs où l’on pouvait réaliser quelque chose de valable. » L’objectif affirmé est aujourd’hui de porter à 10 millions d’euros l’aide annuelle accordée à chacun de ces pays, tout en favorisant le soutien direct au budget des États concernés.
Au Mozambique, la Finlande privilégie le soutien budgétaire, et le ministère des Affaires étrangères compte « de plus en plus sur l’État mozambicain pour utiliser lui-même l’aide reçue ». En 2005, 4 millions d’euros ont ainsi été versés au budget dans l’idée de promouvoir la santé, l’éducation et le développement rural. Même choix en Tanzanie, où sur 16 millions d’euros d’aide en 2005, environ 4 millions ont été affectés via le budget. Une évolution qui a permis de mettre en avant les problèmes de corruption dans la gestion des finances publiques. Et d’accélérer les réformes.
Pour autant, une telle approche n’est possible que dans les cas d’États solides où les risques de corruption sont réduits ou en forte régression. Si Helsinki a accordé 6,3 millions d’euros à la Zambie en 2005, notamment pour le secteur éducatif, le soutien au budget n’est pas encore à l’ordre du jour. « Lusaka s’est engagé à instaurer la bonne gouvernance, à se battre contre la corruption et à réformer la manière dont sont utilisés les fonds publics », précise le ministère des Affaires étrangères, qui attend des résultats avant d’envisager une aide budgétaire directe. La coopération finlandaise n’admet pas la corruption. Normal pour le pays (avec l’Islande et la Nouvelle-Zélande) le moins corrompu de la planète ! Selon l’OCDE, « la Finlande est un des rares pays à avoir adopté des mesures de nature à empêcher les actes de corruption dans le cadre de la coopération pour le développement ». Au Kenya, où la corruption a coûté la bagatelle de 1 milliard d’euros en 2004, la Finlande accorde une attention particulière au soutien du système judiciaire. Limitée à 0,6 million d’euros pour le moment, l’aide devrait progressivement s’élever. Parallèlement, elle apporte son écot au budget de l’ONG Transparency International.
Cette aide concentrée et évolutive sera sans doute au cur des préoccupations européennes dans les mois à venir. Assumant la présidence de l’Union jusqu’au 31 décembre 2006, la Finlande compte en effet « renforcer le rôle international de l’UE ». Elle devra aussi faire des efforts de pédagogie. Globalement encouragée par les Finlandais du Sud, la coopération ne fait pas l’unanimité chez les jeunes du centre et du nord du pays. Des efforts d’information seront nécessaires pour expliquer qu’elle contribue « à la sécurité, à la croissance économique et au bien-être de [la société finlandaise] » et qu’elle « représente un investissement pour l’avenir ».

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