L’agence de notation Moody’s pessimiste pour l’Afrique subsaharienne

En dépit d’une légère reprise de la croissance, l’agence Moody’s juge l’Afrique subsaharienne trop endettée pour faire face à d’éventuels chocs externes commerciaux, financiers ou climatiques.

L’agence de notation financière Moody’s, à New York. © Mark Lennihan/AP/SIPA

L’agence de notation financière Moody’s, à New York. © Mark Lennihan/AP/SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 14 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Les prévisions de l’agence de notation Moody’s pour l’Afrique subsaharienne en 2020 sont « négatives ». Certes, elle reconnaît que la croissance va reprendre sur la zone, passant de 3,1 % en 2019 à 3,5 % cette année, que le déficit budgétaire moyen reculera de 3,3 % à 3 % et que la dette médiane des pays subsahariens par rapport à leur produit intérieur brut (PIB) baissera de 54,5 % à 51 %.

Mais ces améliorations lui semblent trop faibles pour permettre à la région de surmonter d’éventuelles turbulences, car elle souffre de trois maux, selon l’agence : « une trop grande dépendance des pays exportateurs de matières premières à la demande mondiale », « une croissance trop modeste » pour augmenter les revenus par tête et donc la capacité des gouvernements à dégager des recettes et « une plus grande dépendance » que par le passé vis-à-vis de dettes commerciales onéreuses.

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Pour Moody’s, les pays les plus capables de s’adapter à une chute de leurs recettes et donc les plus flexibles pour tailler dans leurs dépenses sont le Rwanda, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Les moins adaptables sont le Ghana et la Namibie. Compte tenu du faible niveau de ses réserves, la Zambie n’a quant à elle « aucune chance » de parvenir à rembourser ses dettes dans un proche avenir.

Une dette au visage inquiétant

Les pays qui afficheront la croissance la plus forte resteront les pays importateurs de matières premières, à l’instar de la Côte d’Ivoire, de l’Éthiopie et du Rwanda qui afficheront en 2020 un taux de croissance supérieur à 7 %. Les grandes économies que sont le Nigeria et l’Afrique du Sud demeureront languissantes avec + 2,5 % et 1 % respectivement. Les pays pétroliers amélioreront leurs comptes, mais modestement.

L’agence de notation s’inquiète particulièrement du changement de structure de la dette. Les prêts consentis à l’Afrique subsaharienne sont de plus en plus souvent des prêts commerciaux, beaucoup plus onéreux que les prêts concessionnels de la Banque mondiale ou de la Banque africaine de développement. En 2013, 65 % de la dette externe du Kenya était composée de prêts concessionnels ; en 2018, cette proportion est tombée à 39 %. De nombreux prêts sont à échéance rapide et, à partir de 2022, les remboursements promettent d’être lourds : cette année-là, la Zambie devra régler 750 millions de dollars, puis un milliard de dollars en 2024 – tout comme l’Éthiopie – tandis que le Kenya devra s’acquitter de deux milliards de dollars.

Nouvelles technologies, un impact limité à quelques pays

Ajoutons à ce fardeau croissant que dix-sept pays sont très vulnérables aux catastrophes naturelles, en particulier le Kenya, le Mali, l’Éthiopie, le Niger et le Mozambique. La mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca) pourrait-elle améliorer la capacité de résistance de l’Afrique aux chocs externes ? L’Afrique du Sud et le Kenya possèdent un secteur industriel et des infrastructures qui leur permettront de profiter de ce grand marché, mais pas vraiment les autres pays, répond le rapport. Les nouvelles technologies seront-elles un accélérateur de croissance significatif ? Oui, mais surtout au Kenya et à Maurice, selon les auteurs.

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En définitive, le pessimisme de Moody’s est fondé sur le constat qu’un grand nombre des gouvernements subsahariens n’arrivent ni à contenir leurs déficits budgétaires ni à gérer leurs dettes. En conséquence, ils ne disposent pas des capacités financières et managériales requises pour affronter un choc externe né d’une guerre commerciale, d’un effondrement des prix des matières premières, d’une flambée des cours du pétrole, d’un fort recul de la demande dans les économies avancées, d’une augmentation rapide des taux d’intérêt ou d’une dégradation des taux de change de leurs monnaies par rapport au dollar ou à l’euro.

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