[Chronique] Sahel : complot français vs complot russe ?
La crise sécuritaire au Sahel inspire des dénonciations de conspirations internationales. Une certaine société civile africaine met la France à l’index, tandis que le président français évoque la Russie à mots couverts…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 15 janvier 2020 Lecture : 2 minutes.
On se croirait revenu au temps de la guerre froide. Deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations-unies se toisent sur un « terrain extérieur ». Le terrain, c’est l’Afrique. L’acteur traditionnel de la Guerre froide, c’est la Russie. Le procureur du moment, c’est une France agacée par des accusations sahéliennes de « duperie » française, de « chantage », d’agenda inavoué, voire de complicité avec les jihadistes qui endeuillent le Sahel.
Ce 13 janvier, sans citer la Russie mais en esquissant un profil « transparent » du pays de Vladimir Poutine, c’est un Emmanuel Macron étonnamment « cash » qui met les pieds dans le plat diplomatique. Dans la ville hexagonale de Pau, devant les présidents du G5-Sahel et non sans avoir convoqué la mémoire des 41 soldats français tués au Sahel, le président de l’ancienne puissance coloniale oppose aux diatribes antifrançaises un autre complot présumé. Pour le Français, les critiques entendues au Sahel seraient fomentées par des « puissances étrangères » aux intentions « mercenaires ».
Devinettes paloises
Explicite dans une réponse à un journaliste malien, le président français évoque même le financement d’une certaine propagande qu’il juge « indigne » : « j’entends beaucoup de gens qui disent tout et n’importe quoi. Demandez-vous par qui ils sont payés ». Le Sahel engagé ne serait-il donc peuplé que de dirigeants-marionnettes et d’activistes-pantins ? Au fil des propos, chacun devine les manipulateurs présumés des seconds. En filigrane de l’expression « moi j’ai mon idée » employée par Macron, chacun comprend que les « intérêts » servis par les anti-français seraient russes…
Relayés par l’Agence France-Presse, des gradés français anonymes décryptent d’ailleurs le sous-texte présidentiel. Le mot « mercenaire » rimerait avec « Wagner », du nom du groupe paramilitaire russe dont quelques émissaires auraient séjourné à Bamako à l’automne 2019, pendant que leurs collègues interviendraient en Libye, au Mozambique, voire au Soudan. Pour ce qui est du régime russe lui-même, le récent sommet Russie-Afrique a démontré l’intérêt conquérant de Vladimir Poutine pour le continent noir.
Pour l’heure, le jeu des devinettes paloises sauve les apparences diplomatiques. Macron ne cite pas les Russes. Les Russes ne citent pas Wagner. Et les chefs d’États du G5-Sahel, presque aphasiques à Pau, se retrouvent entre l’arbre et l’écorce…
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