Morose anniversaire

Chargée depuis dix ans d’harmoniser le droit des affaires dans les pays de la zone franc, l’organisation se heurte à des difficultés financières.

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Les ministres de la Justice de la zone franc se sont réunis du 15 au 19 octobre à Libreville (Gabon) en compagnie des meilleurs juristes d’affaires et fiscalistes des pays concernés. Il s’agissait de fêter le dixième anniversaire de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA)…
Dix années se sont en effet écoulées depuis la signature, le 17 octobre 1993, du traité de Port-Louis (Maurice). Pour tenter d’établir un climat de confiance avec les investisseurs, nationaux et étrangers, et assurer la sécurité juridique et judiciaire des affaires, l’OHADA s’était fixé trois objectifs : harmoniser les droits des affaires en vigueur dans les pays signataires ; favoriser le règlement des litiges par voie d’arbitrage ; dispenser une formation de haut niveau aux magistrats, auxiliaires de justice et autres professionnels du droit des affaires.
L’organisation regroupe aujourd’hui l’ensemble des pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC), ainsi que la Guinée et les Comores. Elle est parvenue à faire adopter huit lois communes en matière de droit commercial général, de droit des sociétés, de transport, d’arbitrage, etc. Pour former les personnels chargés de veiller à l’application de ces textes, une École régionale supérieure de la magistrature (Ersuma) a été créée à Porto-Novo, au Bénin. Depuis son ouverture, en mai 1999, l’établissement a déjà accueilli 178 magistrats, 352 auxiliaires de justice, 67 acteurs non judiciaires et 21 universitaires originaires de tous les pays membres. Quant à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) mise en place à Abidjan à la fin de 2001, elle est chargée de trancher les litiges que les tribunaux ordinaires ne sont pas parvenus à régler. À ce jour, elle a rendu 55 décisions (sur les 177 pourvois qu’elle a reçus) et 2 arbitrages (sur 6 demandes reçues).
Reste que l’OHADA n’est pas encore véritablement parvenue à rassurer les opérateurs économiques, à accroître les investissements et à sécuriser les échanges. Ses difficultés sont d’ailleurs de même nature que celles auxquelles l’UEMOA, la CEMAC et même l’Union africaine sont confrontées. L’écart est en effet considérable entre le discours officiel en faveur de l’intégration et la réalité des barrières économiques et politiques entre États. Mais il faut reconnaître que les différents conflits en cours sur le continent n’ont pas arrangé les choses. La présidence ivoirienne du Conseil des ministres (de la Justice) a ainsi paralysé l’organisation pendant un an (mars 2002-mars 2003).
Mais le plus grave est que les États membres rechignent à acquitter le montant de leurs cotisations. « Pour survivre, l’OHADA va devoir inventer un mécanisme autonome de financement », estime Abel Mouloungui, le président du comité d’organisation de la conférence de Libreville. L’organisation manque en effet d’argent pour mener à bien ses nombreuses activités et payer la cinquantaine de fonctionnaires internationaux et d’agents locaux qu’elle emploie. Jusqu’à présent, le financement a été assuré par un fonds de capitalisation alimenté, au départ, par un versement français de 4 milliards de F CFA. Chaque État membre devait ensuite verser une contribution de 375 millions de F CFA. Ce qui n’a pas toujours été le cas. L’inspecteur des finances français Éric Gissler, dont le rapport a servi de base aux travaux de la conférence, écrit par exemple : « Prévu pour durer douze ans sur une hypothèse de recettes de 12 milliards de F CFA, […] le fonds de capitalisation n’a pas atteint 9 milliards (du fait de la défaillance des cotisations), alors que les dépenses annuelles, d’abord contenues autour du milliard de F CFA, ont vigoureusement progressé à partir de 2002 et font craindre son extinction à partir de 2004. »
L’OHADA est donc en sursis, d’autant que ses bailleurs de fonds (France, PNUD, Union européenne, Canada, Belgique et Francophonie) sont tous d’accord sur le fait que les pays membres doivent désormais la prendre en charge. Ayant supporté l’essentiel des 3,7 milliards qui ont jusqu’ici permis à l’Ersuma de fonctionner, l’UE entend, par exemple, réduire son soutien. Quant à la Banque africaine de développement (BAD), qui a accordé 1 million de dollars à la CCJA, au mois de septembre, elle a invité l’institution à rechercher de nouvelles ressources, à l’avenir.
Pour sécuriser le financement de l’OHADA, la conférence de Bamako, en juillet dernier, a proposé aux États membres de verser à l’organisation un montant fixe équivalant à 0,05 % du montant de leurs importations. Ce qui peut sembler utopique, eu égard aux difficultés actuelles de la zone franc. Bref, dix ans après sa création, l’OHADA n’a toujours pas les moyens de ses ambitions.

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