Léon Schwartzenberg

Cancérologue français décédé le 14 octobre à Paris, à l’âge de 79 ans

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Toute sa vie, il aura exprimé ses révoltes. Dans l’exercice de la médecine, bien sûr, mais aussi en prenant fait et cause pour les opprimés, quels qu’ils soient. Le Pr Léon Schwartzenberg est décédé à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif, en banlieue parisienne, le 14 octobre. À 79 ans, il est mort dans le service de cancérologie qu’il dirigeait avant sa retraite et où il continuait à visiter ses patients, emporté par un cancer du foie.

Son premier fait de résistance remonte à la Seconde Guerre mondiale. Étudiant en médecine à la faculté de Toulouse, le Français de confession juive se voit interdire la poursuite de ses études par le gouvernement de Vichy. Qu’à cela ne tienne, à 20 ans, en 1943, il entre en résistance avec ses deux frères cadets, qui seront arrêtés et déportés au camp de concentration de Mathausen, et dont ils ne reviendront pas. Lui obtiendra plusieurs médailles pour féliciter cet engagement. Un honneur dont il se moque, comme de tous ceux qui suivront.
Agrégé des hôpitaux en 1971, le Pr Schwartzenberg ne trouvait de bon dans la célébrité que les moyens qu’elle lui conférait pour mieux mener ses luttes. Lesquelles ont révélé un homme entier, médiatique, progressiste, mais aussi dérangeant, bref controversé. Premier coup d’éclat public en 1977. Alors devenu cancérologue, après avoir exercé dans l’hématologie, il signe avec Pierre Vianson-Ponté, journaliste au quotidien Le Monde, un ouvrage, Changer la mort (éd. Albin Michel, 258 pages, 11 euros), où ils abordent souffrance, cancer, vérité, malades et décès. Un cocktail détonnant rarement jeté sur le devant de la scène, et qui, immanquablement, pose la question de l’euthanasie.
Schwartzenberg ne se démonte pas. Il est pour aider les malades à quitter la vie, dans la mesure où cette décision est prise entre un médecin et un patient doué de raison. Pour lui, point besoin de légiférer ; il redoute les excès probables. L’euthanasie lui vaudra d’ailleurs d’être radié de l’Ordre des médecins, en 1991 et pour une année, après une déclaration coup de poing dans la presse : oui, le professeur de cancérologie a aidé un malade incurable à mourir. Léon est ainsi : il a une conviction qu’il juge juste, il l’offre au public. En tant que médecin comme au cours de sa brève carrière ministérielle.

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En 1988, Michel Rocard, alors Premier ministre de François Mitterrand, le nomme ministre délégué à la Santé. Neuf jours après, il quitte son poste. Il a eu l’audace d’annoncer son désir de rendre le dépistage du sida obligatoire chez les femmes enceintes et les futurs opérés, et d’envisager la dépénalisation de certaines drogues, pour « couper l’herbe sous le pied des dealers ». Cette honnêteté, si elle lui coûte une carrière politique, lui vaut l’admiration de beaucoup de Français. Entre 1980 et 1990, il ne cessera de tutoyer les sommets du classement « des personnalités préférées des Français ». D’ailleurs, la politique ne semble pas être faite pour lui. Élu en 1992 conseiller régional sur la liste de Bernard Tapie, il devra rapidement abandonner son mandat pour cause de dépassement de frais de campagne… Le seul mandat qu’il exercera réellement sera celui de député européen, sous les couleurs socialistes, de 1989 à 1994.
Mais sa place est définitivement dans la société civile. À l’hôpital, où tous ses malades et collègues se souviennent d’un chef de service très humain, et dans la rue, où il prend fait et cause pour tous les « sans ». Sans-logis, sans-papiers, sans-emploi, l’homme, devenu vieux et de plus en plus frêle avec les années, est toujours sur le devant de la scène. En 1997, il sera évacué de l’église Saint-Bernard, à Paris, avec aussi peu de ménagement que l’ont été ceux qu’il était venu soutenir, des sans-papiers en attente d’une régularisation de leur situation.
Léon Schwartzenberg est parti au moment où l’on relançait le débat sur l’euthanasie en France. Nul doute que là encore, sa lutte contre le conformisme a permis aux mentalités d’évoluer.

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