Les Écureuils de « sir » Jones

Grâce à l’ancien international ghanéen, l’équipe nationale s’est qualifiée pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des nations 2004.

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

On l’appelle « sir ». Non, Cecil Jones Attuquayefio n’a pas été anobli. Il ne s’agit, au fond, que de la marque du respect qu’il inspire. L’ancien international ghanéen a, il faut dire, de beaux états de service : vainqueur de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 1965 avec les Black Stars, finaliste des éditions 1965 et 1970, champion d’Afrique des clubs avec les Hearts of Oaks d’Accra en 2000, en tant que manager… Et puis, surtout, Cecil Jones Attuquayefio a rempli la mission pour laquelle il avait été recruté, fin avril 2003. Grâce à lui, les Écureuils du Bénin participeront pour la première fois à une phase finale de la CAN. En l’occurrence à l’édition 2004, qui se déroulera en Tunisie du 24 janvier au 14 février.
Attendue depuis 1972, cette qualification a été arrachée au forceps. C’est l’arrivée de l’homme d’affaires Martin Adjagodo à la tête de la Fédération béninoise de football (FBF), en 2001, qui semble avoir stimulé les ambitions du football national, englué jusque-là dans de fâcheuses querelles intestines. En juillet 2002, le Belge René Taelman, qui a pas mal bourlingué en Afrique, dirige la sélection. Un mois plus tard, les Écureuils s’embarquent pour une tournée en Belgique. Lors d’une rencontre amicale contre le petit club de Saint-Trond, la sélection se fait sérieusement corriger 7 buts à 1. Au final, les troupes de Taelman remporteront deux des six matchs inscrits à leur programme. Mais perdront leur attaquant Moufou Liamidi, qui a « disparu » au cours du séjour.
Pour bien entamer les éliminatoires de la CAN 2004, la FBF décide de rappeler en renfort douze joueurs expatriés, dont Moussa Latoundji, qui évolue à l’Energie Cottbus (Allemagne). Le gouvernement s’implique dans l’aventure et promet une prime conséquente aux sélectionnés. La toilette du stade René-Pleven de Cotonou est achevée. Le 8 septembre 2002, les Écureuils accueillent la Tanzanie, leur premier adversaire de poule. Les Taifa Stars tanzaniens encaissent un sévère 4-0. Le 12 octobre, les Béninois sont à l’Independence Stadium de Lusaka, où ils doivent en découdre avec Mighty Zambia, favorite du groupe. Juste avant la fin de la première mi-temps, Latoundji tape un corner. Wasiu Oladipopo détourne dans les buts de Davis Phiri : 1-0. Mais la Zambie finit par égaliser grâce à Rotson Kilambe. Le 25 janvier 2003, les Écureuils se déplacent à Kumasi pour se mesurer – amicalement – aux Black Stars du Ghana. Ils sont laminés 3-0. Deux mois plus tard, ils atterrissent à Khartoum pour rencontrer – officiellement – l’équipe du Soudan. Nouvelle déroute 3-0. René Taelman est limogé. Le président de la FBF va à Accra pour proposer un contrat à durée déterminée à « sir » Cecil Jones Attuquayefio (qui ne parle pas français), alors en disgrâce auprès des autorités footballistiques de son pays.
Bien lui en a pris. Le 8 juin, à Cotonou, le Bénin prend sa revanche sur le Soudan, qu’il bat par 3 à 0. Le 22, le déplacement à Dar es-Salaam est crucial. Moussoro Karibu arrache un but précieux qui donne trois points à des Écureuils héroïques. La veille, Mighty Zambia a été tenue en échec par le Soudan (1-1). Le match Bénin-Zambie s’annonce décisif. « Nous réussirons, promet Attuquayefio, coûte que coûte. » Le jour J, il sont quarante mille habillés de rouge et de jaune à soutenir les Écureuils. Après huit minutes de jeu, Tchomogo (Guingamp, France) intercepte une passe en retrait destinée au gardien zambien et ouvre la marque. Dix minutes plus tard, Laurent Djafoo (qui joue en Écosse) est fauché dans la surface de réparation. Penalty. Les Zambiens, furieux, contestent et abandonnent le terrain pendant plusieurs minutes. À leur retour, Tchomogo peut transformer : 2-0. À la soixante-septième minute, Latoundji rajoute un but au tableau d’affichage. C’est le délire dans le stade.
Sitôt la victoire acquise, le whisky et la bière coulent à flots à Cotonou. La joie des supporteurs n’a rien à envier à celles des hommes politiques et des dirigeants sportifs. Le président Kérékou offre une prime de 100 000 dollars, à partager entre les joueurs et leur entraîneur. « Sir » Jones jubile d’autant plus qu’il tient sa revanche : les Black Stars du Ghana, qu’il avait dirigés en 2001, ont été éliminés par le Rwanda (1-0). Ils seront absents du rendez-vous continental pour la première fois depuis 1992.
Mais, déjà, René Taelman réclame sa part de gloire : « Les dirigeants béninois, proteste-t-il, ont tout fait pour me mettre des bâtons dans les roues. Et ils ont le culot de s’attribuer le mérite de la qualification alors que j’ai contribué à mettre fin à quarante ans de série noire. » En Tunisie, le Bénin sera dans la même poule que l’Afrique du Sud, le Maroc et le Nigeria. Le manque d’expérience pourrait leur jouer quelques mauvais tours.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires