[Débats] Vive les dettes !

Pas un mois ne se passe sans que des organismes multilatéraux, comme le FMI ou la Banque mondiale, ne tirent la sonnette d’alarme en raison de la montée de la dette publique dans les pays en développement en général et africains en particulier. Par rapport aux années 2000, le fardeau a doublé voire triplé, et un bon tiers des pays africains risquent d’avoir des difficultés à rembourser leur dette.

Siège du FMI, à Washington. © Cliff Owen/AP/SIPA

Siège du FMI, à Washington. © Cliff Owen/AP/SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 24 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Mais comment pourrait-il en être autrement ? L’aide publique au développement stagne, et les promesses des pays riches ne sont pas tenues. La population de l’Afrique doublera d’ici à 2050, et ses besoins sont colossaux en matière de routes, d’énergie, d’hôpitaux, d’écoles, d’industries, etc. Il lui faudrait investir chaque année 150 milliards de dollars [134,755 milliards d’euros] dans des infrastructures matérielles et immatérielles. Elle n’en dispose que de 75 milliards, ce qui explique que le continent se tourne vers l’emprunt pour accélérer les chantiers qui lui permettraient de décoller.

Le problème est que la dangerosité fantasmée de l’Afrique lui vaut des taux d’intérêt élevés auprès des prêteurs, qu’ils soient chinois ou non. Les gouvernements doivent s’acquitter de taux de 5 % à 7 % alors que le prix de l’argent en Europe ou aux États-Unis est à 0 % ! Ce qui fait craindre au FMI des difficultés de remboursement et de devoir mettre en place des plans de sauvetage douloureux pour les pays les plus endettés. Le Fonds se montre très sourcilleux sur le niveau des dettes publiques.

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Les règles de prudence du FMI, ces entraves au développement

On dénombre de plus en plus de chefs d’État africains qui demandent au FMI de revoir ses règles. Lors d’une conférence sur la dette soutenable, à Dakar le 2 décembre 2019, le président sénégalais, Macky Sall, a clairement exprimé les revendications de ses pairs. « L’endettement n’est pas un problème s’il est raisonnable », a-t-il expliqué. Et ne demeure-t-il pas raisonnable en Afrique puisqu’il ne dépassait pas 55 % du produit intérieur brut (PIB) africain en 2016, alors que l’endettement mondial représentait 225 % du PIB de la planète ?

Il a poursuivi : « Est-il raisonnable d’appliquer les mêmes règles en matière d’endettement aux pays dans lesquels tout est à faire comme aux pays qui ont achevé leur accumulation de capital ? » Pour conclure : « La dette investie dans de nouvelles capacités de production crée les conditions de son remboursement » et n’est donc pas dangereuse. Si un gouvernement place les sommes empruntées dans l’exploitation d’un gisement pétrolier ou dans une compagnie aérienne, ne recevra-t-il pas des recettes supplémentaires en devises, sans parler de la valeur de l’actif que cela représente ?

Le FMI tient à ses règles de prudence, faisant valoir que l’on ne sait jamais combien de temps durera la production d’un gisement ni quelle sera la valeur de l’entreprise exploitante, pas plus que l’on ne peut prévoir à moyen et long termes la clientèle d’une compagnie aérienne. Mais la directrice du FMI, Kristalina Georgieva, est consciente qu’il faut faire preuve d’imagination pour trouver un équilibre entre la nécessité de maintenir un niveau de dette soutenable et un assouplissement des règles financières qui entravent le développement.

À l’évidence, il faudra agir sur plusieurs registres. Du côté des pays africains, le travail de mobilisation des ressources domestiques par l’impôt, par l’incitation à l’épargne et par l’orientation des envois d’argent des émigrés doit être accéléré. La transparence est une condition indispensable pour que la confiance à l’égard de l’Afrique s’installe solidement et durablement dans la tête des investisseurs du monde entier, ce qui contribuera à attirer de précieux capitaux et, là encore, à faire baisser le coût des emprunts.

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De l’urgente nécessité d’assouplir l’orthodoxie budgétaire

Du côté des institutions multilatérales, il est non moins nécessaire que soient mieux prises en compte la qualité des emprunts (taux, durée, utilisation) ainsi que les garanties dont disposent les pays emprunteurs. Il est aussi nécessaire que l’OCDE et les agences de notation arrêtent de grossir le risque que représentent les pays africains et contribuent ainsi à baisser le coût des emprunts.

Ne faudrait-il pas reconsidérer aussi au maximum la sacro-sainte règle des 3 % de déficit budgétaire du PIB ? Quand la chute des cours des matières premières tarit les recettes budgétaires ou quand le péril jihadiste oblige à consacrer jusqu’à 20 % du budget national aux dépenses de sécurité, comme au Niger, n’est-il pas une attitude de bon sens d’abandonner au moins en partie l’orthodoxie budgétaire pour protéger la croissance et la vie ?

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