[Édito] Côte d’Ivoire : entre Ouattara, Gbagbo, Bédié et Soro, une interminable guerre des ego

Faut-il s’inquiéter pour la Côte d’Ivoire ? À quelques mois d’une élection présidentielle cruciale, les vieilles et détestables pratiques politiciennes refont surface. Dernier épisode en date, le rocambolesque vrai-faux retour d’exil de Guillaume Soro, fin décembre.

Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro. © Montage JA

Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié et Guillaume Soro. © Montage JA

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Publié le 20 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

L’ancien Premier ministre Guillaume Soro est aujourd’hui visé par un mandat d’arrêt international pour tentative d’atteinte à l’autorité de l’État, détournement de deniers publics, recel et blanchiment de capitaux.

Un enregistrement audio non daté – encore un ! – circule. On y entend Soro évoquer un « complot », une « insurrection civile et militaire », puis énumérer ses « soutiens au sein de l’armée » et se vanter de sa capacité à actionner « la télécommande » quand bon lui semble. Une villa achetée 1,5 milliard de F CFA (2,3 millions d’euros) avec des fonds publics… Des armes saisies dans des locaux lui appartenant à Abidjan, d’autres à Assinie…

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Les accusations portées à l’encontre de Soro par le procureur de la République sont graves. Elles ne constituent pourtant pas le premier accroc dans la déjà longue carrière du « Machiavel d’Eburnie », souvent nimbée d’un halo de suspicion. Soro, qui s’est toujours habilement nourri du conflit, n’a pas tardé à répliquer.

Classiquement, il dénonce une instrumentalisation de la justice visant à l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle du mois d’octobre – dont il estime, bien sûr, être le favori. Ainsi va la Côte d’Ivoire, où, trop souvent, le débat public et politique ressemble à un mauvais remake de Règlement de comptes à OK Corral, sauce gombo.

Théâtre d’ombres

Car ce qui se joue aujourd’hui est l’épilogue d’une interminable guerre des ego. Ouattara, Gbagbo et Bédié s’affrontent depuis le mitan des années 1990. À partir de 2002, ils ont été rejoints dans cette rixe insensée par Guillaume Soro. Un combat à mort. D’une violence inouïe. Une haine viscérale, nourrie par la peur, les trahisons, leurs entourages respectifs. Derrière les discours de façade appelant à la réconciliation et à l’instauration d’une compétition ouverte et démocratique, c’est une guerre où tous les coups sont permis, où toutes les armes sont tour à tour utilisées – et pas seulement au sens figuré.

Difficile d’y voir clair dans ce théâtre d’ombres où tout se joue en coulisses. Quelques certitudes, quand même. Le RHDP d’Alassane Ouattara mettra tout en œuvre pour conserver le pouvoir. Pour la présidentielle, ADO transmettra sans doute le flambeau à son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly. La Côte d’Ivoire électorale, celle qui vote et se mobilise, penche en sa faveur. Mais il trouvera face à lui Henri Konan Bédié et le PDCI. Le « sphinx de Daoukro » voulant, coûte que coûte, sa revanche, tout indique qu’il sera candidat.

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Soro, qui est allé trop loin pour faire machine arrière, fera tout ce qui est en son pouvoir pour contrecarrer les plans d’ADO, mais sa situation est délicate. Exilé, privé de soutiens et de véritables moyens, il pourrait être réduit à jouer les seconds rôles.

Quant à Laurent Gbagbo, qui déteste autant Bédié que Soro, il rêve de rentrer chez lui et de retrouver un vrai poids politique, même si ce dernier ne passe pas forcément par sa participation directe au scrutin d’octobre. Paradoxalement, c’est vers Ouattara qu’il pourrait être tenté de se tourner, puisque seul le président peut lui permettre de réaliser son rêve.

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Retournement

Après tout, la Côte d’Ivoire n’en est plus à un retournement d’alliance près ! Comment les Ivoiriens pourraient-ils ne pas être las d’être ainsi pris en otage ? Ils attendent de leurs dirigeants et de leur classe politique une autre manière de conquérir et d’exercer le pouvoir. Ils refusent de revivre les drames du passé et veulent être rassurés quant à l’avenir. Pour l’instant, ils ne sont, hélas ! guère entendus.

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