Des crimes imprescriptibles

Publié le 22 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

La faute appelle la sanction. Au-delà des systèmes juridiques, toutes les religions monothéistes sont d’accord sur ce point. Après avoir contribué à déstabiliser son pays dès la fin des années 1980, Charles Taylor a régné sur son pays, à partir de 1997, par le fer et le feu. Devenu chef de l’État, il n’a jamais cessé de se comporter comme un chef de milice. Jamais il n’a donné l’impression de saisir le sens de sa fonction et, moins encore, de se soucier des devoirs qui y sont attachés. En cela, il pourrait être passible d’une accusation de haute trahison.
Mais Taylor a surtout été le maître d’oeuvre d’une instabilité meurtrière au Liberia, mais aussi en Sierra Leone, en Guinée et en Côte d’Ivoire. Sur fond de trafics d’armes, de diamants et de bois, ces conflits ont donné lieu à des exactions d’une extrême gravité qui répondent parfaitement à la définition de crime de guerre. Massacres de masse, enlèvements, viols, torture… Tous ces actes sont naturellement prohibés par la convention de La Haye du 29 juillet 1899. Selon la jurisprudence établie par le tribunal de Nuremberg (constitué au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour juger les atrocités nazies), ces crimes sont imprescriptibles.
Leur gravité impose que leurs auteurs soient poursuivis quoi qu’il advienne, ad vitam aeternam. Rien, aucun arrangement politique ni aucune considération diplomatique, ne peut être invoqué pour justifier une éventuelle impunité, voire simplement la reconnaissance de circonstances atténuantes.
Taylor doit être traduit devant le Tribunal spécial de l’Onu pour la Sierra Leone afin de répondre des exactions commises par les rebelles du Revolutionary United Front (RUF), qu’il n’a jamais cessé de soutenir. À défaut, il pourrait comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI) installée le 11 mars 2003 à La Haye. Cette juridiction internationale est compétente pour juger les crimes commis après le 1er juillet 2002. Ce qui est le cas de l’ancien maître de Monrovia, ne serait-ce que parce qu’il a poursuivi le pillage des ressources naturelles de son pays (bois, diamants). Ce qui constitue un crime de guerre.
Si la solution CPI ne peut être mise en oeuvre, le gouvernement libérien peut demander l’extradition de Taylor, pour l’obliger à répondre de divers délits économiques devant les tribunaux de son pays. Le détournement des deniers publics (notamment des 3 millions de dollars d’assistance internationale évoqués dans un récent rapport de l’International Crisis Group) ne doit pas rester impuni.
L’affaire Taylor est un cas d’école. Le parfait exemple d’un conflit entre la Realpolitik et le droit pénal international. Si la première triomphe, cela accréditera la thèse de ceux qui considèrent le droit comme un idéal à mille lieues d’une réalité dominée par les rapports de force.

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