Écrire le Tchad

Ahmad Taboye dresse un panorama de quarante ans de création littéraire.

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Le tort est réparé : le Tchad a désormais une anthologie littéraire, le Panorama critique de la littérature tchadienne, d’Ahmad Taboye, enseignant- chercheur au département de lettres modernes à l’université de N’Djamena. L’universitaire a repéré une soixantaine de textes, du dramaturge Baba Moustapha au poète Nébardoum Derlemari Abdias. Soit quarante ans d’écriture.
Même si Ahmad Taboye souligne que son pays n’a pas encore produit de célébrités internationales, les écrivains qu’il nous présente méritent l’attention. Né en 1962, le premier mouvement littéraire tchadien a vite été happé par des contradictions ethniques et linguistiques. La guerre est devenue la principale préoccupation et nombre d’intellectuels ont été forcés à l’exil.
Dans ce livre pionnier figure en bonne place Koulsy Lamko, l’un des écrivains les plus prolifiques du Tchad. Tour à tour comédien, animateur culturel, homme de théâtre, nouvelliste et romancier, Koulsy ressemble à un oiseau traqué. Aujourd’hui installé au Mexique, il a séjourné au Togo, au Burkina et au Rwanda. C’est là que sont nés Le Camp tend la sébile, Tout bas, si bas !, Ndo kela ou l’initiation avortée, Papillon de nuit, La Phalène des collines… « Une écriture de la douleur qui s’exprime à travers des symboles et des mythes. »
On ne saurait omettre le dramaturge Maoundoé Naïndouba décédé en janvier 2003 à 55 ans. Révélé dans les années 1980 par le Concours théâtral de Radio France Internationale, sa pièce L’Étudiant de Soweto a fait le tour du monde. « L’auteur a su expliquer l’apartheid, souligne Taboye. Il a surtout eu le mérite d’avoir touché du doigt l’éducation, en mettant au premier plan les enfants par qui se construisent les reproductions sociales. »
Ahmad Taboye s’attarde sur l’écriture de Béna D. Nimrod, poète, philosophe et romancier. Si en poésie Nimrod s’exprime dans la nuit « où brûle la mèche pour son pays qui s’éteint », son roman Les Jambes d’Alice s’ouvre lui sur un mal-être plus profond en mettant en scène un professeur qui se laisse séduire par une élève.
Enfin, Ahmad Taboye nous fait découvrir la diplomate Marie-Christine Koundja. Avec son roman Al’istifakh ou l’idylle de mes amis, elle distille de la douceur en exaltant l’amitié et l’amour. « Même quand le style laisse à désirer, dit Taboye, Marie-Christine analyse avec beaucoup de justesse les clivages complexes qui minent la société tchadienne et l’empêchent de trouver les voies de son unité nationale » : Marie appelle à la concorde des coeurs.
Cet ouvrage n’est que le premier tome d’une série. Gageons que Le Nouveau Congrès des écrivains d’Afrique et de ses diasporas que l’Association Arts et Médias d’Afrique (Fest’Africa) organise fin octobre à N’Djamena, avec près d’une centaine d’auteurs invités, ne manquera pas de donner des idées aux amoureux de l’écriture.

Panorama critique de la littérature tchadienne, par Ahmad Taboye, Centre Al-Mouna, 396 pp.

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