Chronique d’une émancipation annoncée

Publié le 21 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

Promulgué en 1958, au lendemain de l’indépendance, le Code du statut personnel actuellement en vigueur s’inspire du Coran et de la Sunna en s’inscrivant dans la tradition du rite malékite. Après plusieurs tentatives d’amendement avortées, il a subi en 1993 une première « réformette » concoctée par une commission royale exclusivement masculine.
Interdiction de la polygamie, suppression du tuteur, égalité des droits et des obligations pour les deux époux, instauration du divorce judiciaire et tutelle de la femme
sur les enfants au même titre que l’homme Voilà l’essentiel des revendications des féministes de l’époque. Elles n’obtiendront que la tutelle légale des enfants en cas de décès du père, la possibilité d’exercer une activité professionnelle sans l’autorisation de leur époux et le droit d’être informées d’une éventuelle répudiation Il n’y a pas de quoi pavoiser. Néanmoins, un pas est franchi : la Moudawana, texte jusqu’alors jugé sacré
et intouchable, peut être réformée sans que les puristes ne hurlent à l’hérésie !
En 1999, le gouvernement du socialiste Abderrahamane Youssoufi présente un Plan d’action
pour l’intégration de la femme au développement qui comprend une révision du Code du statut personnel. Comme le projet émane du secrétaire d’État chargé de la Protection sociale, de la Famille et de l’Enfance, et non du roi, oulémas et autres anges gardiens de la charia se déchaînent. Éclate alors une polémique qui scinde en deux la société marocaine : d’un côté, les traditionalistes et, de l’autre, les modernistes. Cette déchirure atteindra son comble au printemps 2000. Les deux camps descendent dans la rue. Les féministes mobilisent près de 300 000 militants à Rabat, et les islamistes 600 000 manifestants à Casablanca. Le débat n’est pas clos, mais suspendu le temps de calmer les esprits.
Un an plus tard, Mohammed VI annonce la création d’une Commission consultative qui se penche sur la réforme du Code. Présidée par Driss Dehak, juriste et ancien président du Conseil consultatif des droits de l’homme, elle est composée de trois femmes et de
treize hommes, plutôt conservateurs. Ses membres ne parviennent pas à s’entendre. C’est l’enlisement.
Le 21 janvier 2003, Dahak remet ses propositions au souverain qui le démet de ses fonctions dès le lendemain. Il le remplace par Mhamed Boucetta, grande figure du parti de l’Istiqlal. Ce dernier a remis en septembre sa copie au roi. Moins d’un mois plus tard, le
souverain annonçait les grandes lignes du nouveau Code de la famille. Il sera adopté par le Parlement d’ici à la fin de l’année. « Enfin, la loi de la famille devient une affaire de société, on en discute et on en débat. Elle s’humanise en sortant des arcanes du religieux », commente Leila Rhiwi, coordinatrice du réseau Printemps de l’égalité.

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