Visions aigres-douces à Salé

Riche programmation, palmarès contestable pour la première édition d’« Écrans de femmes ».

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Inutile de s’attarder sur les défections de quelques invités de marque (les réalisatrices Agnès Varda et Yamina Benguigui, ainsi que Jackie Buet, directrice du Festival international de films de femmes de Créteil). On passera sur les « absents présents dans notre esprit » que l’on avait oublié de convier à la table ronde organisée sur le thème Femmes et cinéma/Femmes au cinéma. On surmontera la déception de ne pas avoir eu, comme prévu, en avant-première Tarfaya, le dernier film du talentueux Daoud Oulad Sayed, qui parle de l’attente et de l’exil. Le réalisateur marocain, jusqu’ici très peu distribué dans son propre pays, a préféré montrer son oeuvre au festival de Saint-Sébastien, en Espagne.
On retiendra l’ambiance plutôt bon enfant de ce Festival international du film de Salé, qui, du 7 au 11 septembre, a su attirer un public n’hésitant pas à applaudir lorsque les scènes d’un film (Inteha, de l’Indien Vikram Bhatt) lui semblaient conformes au Bien. Et on se félicitera que naisse enfin dans le monde arabe et africain un festival dédié aux femmes, qui plus est dans une ville réputée pour son conservatisme. Ancienne cité corsaire convertie en banlieue dortoir alanguie sur la rive du Bouregreg qui la sépare de Rabat, Salé n’avait jusqu’alors attiré l’attention des médias qu’en raison de la présence sur son sol d’un célèbre dissident, l’islamiste Abdeslam Yacine, du mouvement Al Adl wal Ihsane (« Justice et Bienfaisance »), qui y fut longtemps assigné en résidence.
En organisant ce festival, intitulé Écrans de femmes, l’association Bouregreg permet à Salé de sortir de sa léthargie culturelle. Pour cette première édition, les organisateurs avaient concocté une riche programmation comportant des longs-métrages venus des quatre coins de la planète et une petite sélection de courts-métrages marocains, dont l’émouvant Karawan, l’oiseau libanais, signé Bouchra Ijouk. S’agissant des treize films en lice pour le Cierge d’or, tous ne méritaient pas d’être retenus. En ouverture fut projeté À Casablanca les anges ne volent pas, premier opus du cinéaste marocain Mohamed Asli. Si l’on ne peut qu’être touché par la pertinence du propos, à savoir l’impérieuse nécessité des départs qui condamnent à perdre sa vie à la gagner, l’on marquera quelques réserves en ce qui concerne la mise en scène. Ce qui n’empêchera pas le jury, exclusivement féminin, présidé par la réalisatrice marocaine Narjiss Nejjar, de récompenser Abdessamad Miftah al-Kheir, l’acteur principal du film, en lui attribuant le prix du premier rôle masculin.
Mentionnons également Examen, de Nasser Reffaie, qui porte sur la condition féminine en Iran et a reçu le prix du jury. Signalons aussi le très sensible Hard Goodbyes : My Father, dont la réalisatrice grecque Penny Panayotopoulou est repartie avec le prix du scénario. On regrettera toutefois que le jury ait choisi de décerner le Cierge d’or à Depuis qu’Otar est parti, une oeuvre, certes très belle, de Julie Bertucelli, mais qui, à l’instar de Frida, également primé, n’a plus besoin de récompense, alors que le très mélancolique Dans l’attente des nuages, signé par la jeune et prometteuse réalisatrice turque Yesim Ustaoglu, aurait mérité d’être distingué d’une façon ou d’une autre.

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