[Tribune] La Chine en Afrique, une communication d’influence habile
Grâce à une offre médiatique alternative et attractive, notamment la chaîne d’information Chinese Global Television Network (CGTN) Africa, la Chine se distingue des autres grandes puissances et réaffirme son ancrage sur le continent.
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Sofiane Oubela
Spécialiste en intelligence économique et communication stratégique, Sofiane Oubela est directeur général et cofondateur du cabinet Plus Ultra Consulting.
Publié le 22 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.
« See the difference ! » Le slogan de la chaîne d’information Chinese Global Television Network (CGTN) Africa en dit long sur son positionnement. Basée dans la capitale kényane, l’antenne africaine de la chaîne internationale chinoise CGTN, se distingue de ses concurrentes occidentales. Dans le contexte africain, Pékin a recours à une stratégie rondement menée qui consiste à valoriser les pays du continent pour ensuite mieux négocier avec eux. Cette stratégie vient soutenir l’idée selon laquelle les pays africains sont et doivent rester des partenaires dans une relation « gagnant-gagnant », leitmotiv favori des diplomates chinois.
Le traitement médiatique des chaînes occidentales promeut certes la neutralité de l’information, mais force est de constater que le choix des sujets de ces chaînes tendent parfois à desservir les pays africains. En effet, les débats et les programmes s’axent très souvent autours des plaies du continent, terrorisme, corruption…etc. Misérabilisme et posture parfois condescendante, tels sont les deux griefs récurrents des Africains à l’encontre des médias occidentaux. À l’inverse, les médias chinois présentent l’Afrique et les africains sous leur plus beau jour.
Faire rayonner l’Afrique, la force du storytelling
La ligne éditoriale des médias chinois répond à un agenda politique précis et ne souffre d’aucune approximation. L’information diffusée par les médias chinois, reste largement contrôlée et filtrée par le gouvernement. L’importante couverture ainsi que la façon dont ont été traités les forums sur la Belt and Road Initiative en témoigne. Mettre en valeur l’Afrique et les Africains doit permettre d’améliorer l’image de la Chine et des Chinois expatriés, l’objectif étant de favoriser les échanges commerciaux et culturels.
Faces of Africa, un des programmes phares de la chaîne, met en lumière des Africains « lambda » à l’histoire peu anodine. Évidemment, les témoignages, les visuels et le storytelling associé sont soigneusement construits. Promouvoir des parcours extraordinaires de gens ordinaires participe à créer de la proximité avec le public et à activer des leviers cognitifs et émotionnels puissants. D’autres émissions, comme Connecting East Africa insistent sur le bien-fondé du rôle de la Chine en Afrique. Tout est parfaitement mesuré pour faire la promotion de la coopération sino-africaine et s’attirer les faveurs des Africains.
La stratégie d’influence, un succès en demi-teinte
Avec près de 5 millions de fans sur leur page Facebook, et plus de 130 millions de vues cumulées sur leur chaîne Youtube, CGTN Africa jouit d’une importante popularité auprès des publics africains. D’après le journal britannique The Economist, une enquête réalisée en 2016 auprès de jeunes de 18 pays africains a révélé que, parmi ceux qui avaient regardé la chaîne d’information chinoise, 63 % l’avaient apprécié et seulement 13 % en avaient une opinion négative.
L’accessibilité de la chaîne est également un élément fondamental dans la stratégie de diffusion chinoise. La gratuité de la CGTN Africa, le développement d’infrastructures satellites dans les zones rurales, de même que sa forte présence digitale contribuent à asseoir sa légitimité. La Chine offre également la possibilité à des milliers d’Africains de se former aux métiers du journalisme dans ses universités. Le soutien à ces étudiants, souvent désespérés par le manque de perspectives dans leur pays, est un moyen d’en faire des « influenceurs » de choix.
Sur le plan culturel, Pékin a installé plusieurs centres à travers le pays, plus connu sous le nom d’Institut Confucius. On y enseigne le mandarin et d’autres principes de la culture de l’Empire du Milieu. Cela vient compléter une diplomatie publique chinoise offensive en Afrique qui est néanmoins régulièrement décriée pour son vernis propagandiste.
La présence chinoise ne fait évidemment pas l’unanimité auprès des Africains. Dans l’étude Les médias chinois et la Belt and Road Initiative face à l’opinion africaine sur Twitter, que nous avons réalisée avec Solène Choudhury, nous avons pu observer les réactions de la société civile sur le réseau social. Beaucoup dénoncent la politique d’investissement jugée agressive de la Chine qui serait défavorable à terme pour le continent. Faut-il y voir les prémices d’une contestation d’envergure ? Seul l’avenir nous le dira…
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