Saddam Hussein déclare la guerre à l’Iran
C’est le Conseil de commandement de la Révolution (CCR), instance suprême en Irak, qui, en ce jour de septembre 1980, donne l’ordre aux forces irakiennes d’attaquer des objectifs militaires en territoire iranien. La première guerre du Golfe éclate. Elle oppose Saddam Hussein à l’ayatollah Khomeiny, les Arabes aux Iraniens, mais aussi, et surtout, deux rêves inconciliables : d’un côté, une nation arabe en voie de réunification sous la houlette d’un Irak laïc et pro-occidental ; de l’autre, une nation persane régénérée par la Révolution islamique.
En lançant ses troupes à l’assaut de l’Iran, le nouvel homme fort de Bagdad veut récupérer Chatt al-Arab, voie d’eau formée par la réunion du Tigre et de l’Euphrate, avec les villes pétrolières de Khorramchahr et d’Abadan, ainsi que le Khouzistan iranien, où vit une importante communauté arabe, espérant ainsi prendre le contrôle du golfe Arabo-Persique, par où transite 60 % du pétrole produit par l’Opep.
Saddam, qui avait accédé à la tête du pouvoir un an auparavant, cherche aussi à contenir la révolution islamique iranienne et à empêcher les chiites, qui représentent 60 % de la population de son pays, de succomber aux sirènes du khomeinisme. Il sait, par ailleurs, qu’une victoire sur l’armée iranienne consoliderait son pouvoir en Irak et légitimerait son leadership dans un monde arabe en mal de zaïm depuis la mort de Gamal Abdel Nasser en 1970.
Pour réussir son coup, Saddam mise sur l’affaiblissement de l’armée iranienne, décimée par les purges de la Révolution islamique, et sur l’isolement international de l’Iran. D’ailleurs, les pays arabes, à l’exception de la Syrie voisine, ne tardent pas à lui apporter leur soutien politique, puis financier. Les États-Unis et l’Union soviétique, les deux grands de l’époque, proclament leur neutralité. Seul Israël prend parti pour l’Iran, l’Irak représentant un certain danger pour lui. Le président irakien espère aussi que quelques généraux tombés en disgrâce après la chute du chah profiteront de l’occasion pour fomenter un coup d’État militaire et reprendre le pouvoir à Téhéran.
Mais, à sa grande surprise, l’Iran oppose une résistance héroïque aux premières attaques des troupes irakiennes avant de lancer son aviation à l’assaut de Bagdad, Mossoul, Kirkouk et Bassora. Bientôt, une guerre de position s’engage, l’une des plus meurtrières des trois dernières décennies. Les deux pays, qui s’étaient enlisés dans une sale guerre, ont recours à toutes sortes d’armes conventionnelles et non conventionnelles, notamment chimiques. Les puissances occidentales, qui leur ont fourni tout l’arsenal qu’ils réclamaient, cherchent visiblement à les ruiner financièrement et à les affaiblir militairement. Elles atteindront leur objectif.
Le 20 juillet 1987, l’ONU exige que Bagdad et Téhéran mettent fin aux hostilités, retirent leurs troupes de part et d’autre des frontières internationalement reconnues. Après un premier refus, l’Iran, épuisé militairement, accepte le cessez-le-feu le 18 juillet 1988. Le 15 août 1990, Saddam Hussein se résout enfin à revenir aux accords d’Alger de 1975 – qui instaurent le partage des eaux de Chatt al-Arab -, à libérer les prisonniers de guerre iraniens et à évacuer les territoires occupés par ses troupes.
Lorsque le traité de paix est enfin signé, le 20 août 1990, selon les conditions iraniennes, les pertes en vies humaines sont estimées – pour les deux pays – à plus de 1,2 million de morts. Économiquement, le prix de la guerre – dépenses militaires, recul du PIB et capitaux non investis – s’élève à plus de 500 milliards de dollars. Les travaux de reconstruction des infrastructures et installations détruites nécessiteront des centaines de milliards de dollars supplémentaires.
Vingt-quatre ans après, les deux pays subissent encore les conséquences désastreuses d’une folie guerrière qui aura duré huit ans.
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