Mémoires d’un dinosaure

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 1 minute.

« Je hais les auteurs, ils empoisonnent ma vie », fait dire Pierre Leroux à un éditeur dans son premier roman (Cher Éditeur, Albin Michel). À quoi Christine Arnothy, dans Une rentrée littéraire (Fayard), répond que les éditeurs sont non seulement des imposteurs, mais aussi des criminels : « Comment arrivent-ils à dépister tant de livres susceptibles d’avoir une chance de succès tout en refusant sans les lire des masses de manuscrits ? »
On voit par là que le vieux couple éditeur-écrivain se porte bien. Toujours à se chamailler, se lancer la vaisselle à la gueule, se jalouser, se suspecter du pire. Mais incapables de vivre l’un sans l’autre. La nouveauté de cette rentrée, c’est que des scènes de ménage auxquelles s’adonnent les torturés de la plume et leurs prétendus tortionnaires on fait maintenant des romans. Dans celui d’Arnothy, il y a une phrase injuste : « Lui qui publiait une quantité impressionnante de livres n’était même pas capable d’écrire une page convenable. » Car les éditeurs excellent dans ce que Cocteau appelait le portrait-souvenir. Ainsi, après La Traversée du livre, de Jean-Jacques Pauvert, le directeur de La Différence, Joaquim Vital, signe dans sa propre maison Adieu à quelques personnages. C’est méchant (« aspirant au génie, Hallier n’en avait pas »), bouleversant (la cécité de Lambrichs), pathétique (la vieillesse de Leonor Fini), sans appel (le suicide de Lamarche-Vadel), injuste (avec Houellebecq) et alarmant. Car Vital, dont les modèles sont Girodias, Pauvert, Maspero, Lindon, croit à l’extinction des grands éditeurs, « ces bêtes acariâtres » auxquelles l’industrie préférerait désormais des financiers soucieux de rentabilité. Dans ce cas, il convient de lire ces Mémoires d’un « dinosaure irascible » comme un roman à l’ancienne.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires