Mallam-Wanké, « un amnistié de moins »

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 3 minutes.

Il avait fait une irruption tonitruante dans l’actualité en ordonnant (et en revendiquant publiquement) le premier régicide de l’histoire du Niger. Le commandant Daouda Mallam-Wanké venait de faire assassiner sur le tarmac de l’aéroport de Niamey l’homme qu’il était censé protéger, le président Ibrahim Maïnassara Baré, déchiqueté par une automitrailleuse alors qu’il se rendait à l’intérieur du pays. C’était le 9 avril 1999.

Surnommé « le Boucher de Yélou » – du nom de son village natal situé à la frontière nigéro-béninoise – par certains de ses compatriotes, Wanké est décédé, à 58 ans, au petit matin du 15 septembre dernier, dans un hôpital de Niamey. Officiellement des suites d’une « insuffisance rénale ». Victime d’une attaque cérébrale, en 2003, l’ancien aide de camp du président Baré avait été soigné à Tripoli, puis, selon la presse nigérienne, dans une clinique spécialisée de Genève, une information démentie à l’époque par des responsables suisses interrogés par Jeune Afrique/l’intelligent.
Devenu calife à la place du calife, après son putsch sanglant, le commandant Wanké avait, huit mois plus tard, organisé des élections pluralistes et cédé la place, en décembre 1999, à un président démocratiquement élu, Mamadou Tandja. Non sans avoir exigé (et obtenu) – on n’est jamais trop prudent – une amnistie, inscrite dans la Constitution adoptée par référendum le 18 juillet 1999 qui lui garantissait une impunité totale. Du coup, les demandes d’ouverture d’enquête, notamment de l’Union européenne et des organismes de défense des droits de l’homme, sont demeurées lettre morte. Tout comme ont été déclarées « irrecevables » les plaintes déposées par les proches du président Baré, au motif que « le bénéfice de l’amnistie que le peuple nigérien souverain a bien voulu accorder aux faits et aux auteurs doit être judiciairement consacré ».

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« Je n’éprouve ni joie ni peine, nous a confié au téléphone, à l’annonce de la disparition de Wanké, le docteur Clémence Aïssatou Baré, veuve du président assassiné. C’est un amnistié de moins, le seul d’ailleurs qui ait eu un visage et qui ait reconnu être à l’origine de la mort de mon mari. Mais il y avait des coauteurs, des complices, au Niger comme à l’étranger. Où sont-ils ? Il est exclu que nous acceptions de tourner la page sans que les responsabilités des uns et des autres aient été clairement établies. J’espère maintenant que les langues vont se délier et que ceux qui ont des révélations à faire vont se manifester, car, à l’évidence, même Dieu ne veut pas de cette scandaleuse amnistie ! »
Lors de son passage à la tête de l’État, d’avril à décembre 1999, Wanké avait pris soin d’assurer ses arrières. Il avait ainsi obtenu que son successeur jure sur le Coran qu’il ne reviendrait pas sur la loi d’amnistie.
Par ailleurs, il avait acquis de somptueuses villas à Niamey, fait construire à Yélou une immense demeure bunkerisée, et ne se déplaçait que sous bonne (et impressionnante) escorte. Reconverti, ces dernières années, dans les affaires, il avait bâti un réseau de stations-service et acquis d’innombrables camions-citernes pour le transport de carburant, activité lucrative au Niger. Et, pour meubler sa retraite, l’homme voyageait beaucoup. De préférence à bord d’avions mis à sa disposition par le Nigeria, le Burkina ou la Libye, trois pays où il était reçu avec des égards, sinon avec les honneurs. Sa disparition, qui a provoqué des scènes de réjouissance dans certains quartiers de Niamey, intervient à deux mois du premier tour du scrutin présidentiel, qui opposera une nouvelle fois le président Mamadou Tandja, candidat à sa propre succession, notamment au ténor de l’opposition Mahamadou Issoufou, ainsi qu’à l’ancien Premier ministre Hamid Algabid, qui défendra les couleurs du Rassemblement pour la démocratie et le progrès, le parti d’Ibrahim Maïnassara Baré.

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