Les candidats de l’impossible

Les trois challengeurs de Zine el-Abidine Ben Ali à la présidentielle du 24 octobre savent qu’ils n’ont aucune chance de l’emporter. Pourquoi ont-ils néanmoins choisi d’entrer en lice ? Chacun a ses raisons, plus ou moins bonnes…

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 4 minutes.

Au nom du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali a, le 3 septembre, présenté sa candidature à l’élection présidentielle du 24 octobre. Une semaine plus tard, il a été imité par Mohamed Bouchiha, le secrétaire général du Parti de l’unité populaire (PUP), puis, le 14 septembre, par Me Mounir Béji, son alter ego du Parti social libéral (PSL). Quant à Mohamed Ali Halouani, le candidat d’Ettajdid (parti de la Rénovation) et de l’« Initiative démocratique », il devait remettre son dossier de candidature au président de la Cour constitutionnelle au cours du week-end du 18 au 19 septembre. Quatre partis sur les six représentés à la Chambre des députés participeront donc au scrutin.
Chacun sait que la victoire du président sortant ne fait absolument aucun doute (voir J.A.I. n° 2279, du 12 au 18 septembre 2004). Seule nouveauté de la consultation, mais de taille, la présence d’un challengeur qui apparaît aux yeux la majorité des Tunisiens comme un vrai candidat d’opposition.

Mohamed Ali Halouani, puisque c’est de lui qu’il s’agit, préside du conseil national d’Ettajdid, parti qu’il a cofondé, il y a onze ans, avec d’anciens communistes et des militants de la gauche démocratique. Il est aussi le candidat officieux de l’« Initiative démocratique », une coalition qui regroupe autour de sa formation (représentée au Parlement par cinq députés) un groupe de personnalités indépendantes.
Né en 1947 à Sfax (littoral Sud-Est), Halouani est docteur en philosophie de l’université de Paris I-Sorbonne, spécialiste en épistémologie et bioéthique, et continue d’enseigner à la faculté des lettres de Sfax. Il fait ses premières armes politico-syndicales au sein de l’Union générale des étudiants tunisiens (UGET). En 1973, ses activités politiques lui valent d’être arrêté et jugé. Acquitté après quatre mois et demi d’emprisonnement, il continue de militer dans les structures régionales de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le syndicat ouvrier, et de la Ligue tunisienne des droits l’homme (LTDH). En avril 1993, il rejoint les rangs d’Ettajdid, une formation démocratique « moderne » fondée sur les vestiges de l’ancien Parti communiste tunisien (PCT), et contribue à l’élaboration de sa plate-forme politique.
« J’apprécie beaucoup sa loyauté, sa courtoisie et sa pondération, confie Mohamed Harmel, le secrétaire général d’Ettajdid. En dépit de nos parcours différents – j’étais communiste, lui démocrate de gauche -, nous avons beaucoup d’affinités. Nous avons traversé des moments difficiles, mais il s’est toujours dévoué à la cause du parti. » « Il a une qualité rare chez les gens de son âge : il s’entend très bien avec les jeunes, et ces derniers l’apprécient », renchérit Tarak Chaâbouni, membre du comité politique, qui a participé à ses côtés, les 11 et 12 septembre à Paris, à la fête de l’Humanité, avant de se rendre à Strasbourg pour rencontrer un groupe de députés socialistes européens.
Marié à une enseignante de philosophie qui lui a donné deux garçons – l’un est architecte, l’autre consultant en communication -, Halouani passe aux yeux de ses pairs pour un démocrate très attaché aux principes républicains, mais ouvert au dialogue. « Il défend ses positions fermement, mais sans jamais hausser le ton. Bon pédagogue, il sait écouter les autres et cherche toujours les points d’accord », commente l’un de ses collègues à l’université. Avec ses cheveux plus sel que poivre, son doux regard et son sourire radieux, Halouani inspire la confiance et la sérénité. Il en faudra sans doute davantage pour convaincre les électeurs de lui apporter leurs suffrages.

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Mohamed Bouchiha, le deuxième challengeur du président Ben Ali, est partisan d’une « démocratie consensuelle ». Du coup, il se garde en général de s’opposer aux choix du gouvernement. Ce qui lui vaut d’être considéré comme un proche du régime, réputation qu’il dément fermement.
Depuis 2000, il est le secrétaire général du Parti de l’unité populaire (PUP), une formation fondée en 1983 par Mohamed Belhadj Amor à la suite d’une scission du Mouvement de l’unité populaire (MUP), fondé dix ans auparavant par l’ancien ministre de l’Économie Ahmed Ben Salah.
Diplômé d’histoire et de géographie, cet ancien journaliste a fait toute sa carrière au sein de l’administration publique. Élu en 1999 à la Chambre des députés, il se consacre depuis à ses activités politiques.

Me Mounir Béji, le troisième larron, est pour sa part confronté à un problème de crédibilité : peu connu hors du microcosme politique, il manque un peu de charisme. Fondateur et secrétaire général du Parti social-démocrate (PSL), il a en outre bien du mal à maintenir la cohésion de sa formation : en seize ans d’existence, celle-ci a attiré autant de militants qu’elle n’en a exclu. Quand on lui montre la longue liste des « ex » de son parti, Béji, imperturbable, répond qu’« ils sont manipulés par des gens qui veulent semer la zizanie dans [ses] rangs ».
Né au Kef (Nord-Ouest) en 1948, cet avocat est le fils du militant nationaliste Tounsi Béji. Il est marié à une économiste employée dans une compagnie d’assurance, qui lui a donné deux enfants. Comme Halouani, c’est un ancien de l’UGTT. Membre du Parti socialiste destourien (PSD), l’ancien parti unique, il en démissionnera en 1971 pour rejoindre le groupe des démocrates libéraux conduits par l’ancien ministre de la Défense Ahmed Mestiri. Rédacteur en chef d’Erraï, l’organe de ce mouvement, pendant quatre ans, il a pris part à tous les combats pour la démocratie et les droits de l’homme dans les années 1970 et 1980.

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