[Chronique] Monologue post-agapes
L’année 2019 est bel et bien partie. Comme les autres, elle n’a pas été vécue de la même manière par tout le monde.
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 26 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.
Pour les uns, ce fut une période horrible durant laquelle il a été très difficile de joindre les deux bouts à cause de la modicité des revenus, en totale inadéquation avec le coût réel de la vie. C’était le blues des gagne-petit, des gagne-rien, qu’ils soient fonctionnaires, retraités, chômeurs professionnels… En un mot, des laissés-pour-compte de la société, lesquels représentent plus de la moitié de la population dans la plupart de nos pays. Afin d’en savoir plus sur leur état d’esprit, il faut voir comment ils se décarcassent chaque jour pour vaincre ce blues qui les ronge.
Quand Noël et le Nouvel An débarquent, les pauvres savent déjà comment ruser pour fêter et montrer que, malgré l’adversité, ils ne se cachent pas. Ils achètent des cadeaux aux membres de leurs familles et à des proches. Ce sont généralement des fripes importées, d’Europe notamment, qu’on trouve dans presque tous les pays africains et dont les prix sont abordables pour les bourses les plus modestes. Chez les pauvres, tout est simple : pas de dinde rôtie de Noël ni de champagne à gogo. Le vin est rare. Mais il y a de la bière, des sodas abusivement appelés jus et parfois du whisky. La musique est toujours au rendez-vous. Et on danse jusqu’à l’épuisement tout en pensant déjà à l’année suivante.
Nantis impudents
Mais il y a aussi les nantis. S’il y a des gens honnêtes parmi eux, beaucoup profitent néanmoins de leur position sociale pour piller davantage les États déjà fragilisés par la mauvaise gestion. Sachant ce que les combines illégales leur rapportent, ils ne renoncent à rien. Noël et la Saint-Sylvestre sont pour eux des moments importants durant lesquels ils doivent montrer leur puissance financière acquise au détriment du Trésor public et de l’État, sa vache à lait, privé d’une grande partie de ses revenus.
Bien entendu, Noël et la Saint-Sylvestre sont l’occasion de prouver qu’ils roulent sur l’or. Et ils n’ont pas fini de se régaler et de faire l’important en dépensant sans compter le fruit de leurs turpitudes. Jusqu’à quand, Messieurs et Mesdames les fossoyeurs ? Attendons l’année prochaine pour voir si vous êtes toujours dans la logique qui consiste à ruiner l’État.
Quant à moi, j’ai eu l’occasion de déguster chez un ami, à l’occasion de la Nativité, un coq d’une intelligence rare. Il était à la tête d’une basse-cour de plus d’une dizaine de gallinacées qui dormaient sur un arbre. Chaque jour, il conduisait sa bande là où elle pouvait se nourrir. Au retour, il tenait à vérifier que tout le monde était bien là. S’il manquait quelques individus, le coq faisait demi-tour pour aller chercher les absents. Il les ramenait et leur intimait l’ordre de monter sur l’arbre et de dormir. Personne ne rechignait. J’aurais dû demander à son maître de l’épargner. Mais c’était trop tard. Général Coq, je vous salue.
Votre chair était délicieuse et votre gestion transparente. Je jure que, comme gallinacé, vous êtes irremplaçable. Vous avez non seulement protégé les vôtres, mais aussi enseigné les bonnes manières aux uns et aux autres. J’aurais dû refuser de manger votre chair. Malheureusement, c’était le jour où l’on célébrait la Nativité. Si j’avais décliné l’invitation de votre maître, il n’aurait pas apprécié mon attitude. Je vous demande pardon, brave Général Coq, et à la revoyure ! Peut-être au paradis, on ne sait jamais.
Petite satisfaction
En fin de compte, que nous apporte la célébration de la Nativité et de la Saint-Sylvestre ? Une petite satisfaction, sans plus. Peut-être le plaisir de voir que nous sommes encore et toujours en vie. Pour combien de temps encore ? Nul ne le sait. Croisons les doigts pour que cela dure encore longtemps, même si notre planète est loin, très loin d’être parfaite. Cela dit, tous mes vœux de longévité et de bonheur chers amis lecteurs. Vous le méritez un million de fois.
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