Maroc : à quelques jours de l’événement, Rabat détrône Marrakech comme première capitale africaine de la culture

À la surprise des organisateurs africains et de leurs interlocuteurs marocains, les autorités du royaume ont substitué in extremis Rabat à Marrakech pour y tenir la première édition des « Capitales africaines de la culture ».

Un feu d’artifice dans la ville de Rabat, au Maroc, le 16 juin 2019 (photo d’illustration). © Mosa’ab Elshamy/AP/Sipa

Un feu d’artifice dans la ville de Rabat, au Maroc, le 16 juin 2019 (photo d’illustration). © Mosa’ab Elshamy/AP/Sipa

MEHDI-BA_2024 CRETOIS Jules

Publié le 25 janvier 2020 Lecture : 3 minutes.

Mahi Binebine est dépité, et il ne s’en cache pas. Peintre et écrivain marocain, connu pour son roman Les Étoiles de Sidi Moumen, ce Marrakchi oeuvrait depuis deux ans à la préparation de « Marrakech, capitale africaine de la culture ». À partir du 31 janvier, la ville ocre devait en effet accueillir des artistes originaires de tout le continent pour la première édition des « capitales africaines de la culture », une manifestation triennale lancée en 2018 par l’organisation panafricaine Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA).

Mais à huit jours de l’événement, c’est par le ministère marocain de l’Intérieur que Mahi Binebine, le président d’honneur de « Marrakech 2020 », a appris que le gouvernement avait décidé de substituer Rabat à Marrakech pour accueillir l’événement. « Je n’ai pas reçu beaucoup d’explications », résume-t-il à Jeune Afrique. 

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Dernière minute

Après avoir gardé le silence deux jours durant, l’artiste s’est fendu sur son compte Facebook d’un long post aux allures de faire-part de décès pour rendre publique l’information :

« Marrakech, capitale africaine de la culture n’est plus. J’ai le triste regret de vous annoncer qu’il a été décidé (pour des raisons incompréhensibles et après plusieurs mois de préparation intense) que la ville ocre se désistait au profit de Rabat. Mon mandat de président d’honneur de cette grande fête se termine donc ce soir. »

De son côté, c’est par deux courriers successifs reçus du ministère de l’Intérieur puis du ministère de la Culture que le comité directeur d’Africapitales, la structure organisatrice de la manifestation, basée à Dakar, a été informé de ce déménagement de dernière minute.

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Amertume

« Nous prenons acte de cette décision et nous nous reporterons sur Rabat, réagit Vydia Tamby, la secrétaire générale du comité directeur, interrogée par Jeune Afrique. Il s’agit de l’année zéro de ce projet, nous n’avons donc aucun intérêt à ce que son calendrier soit décalé. »

Pour les organisateurs, une pointe d’amertume est néanmoins perceptible. « Le projet des capitales africaines de la culture visait justement à promouvoir la diplomatie des villes et leur autonomie par rapport au pouvoir central. La ville de Marrakech avait soumis spontanément sa candidature, et celle-ci avait été retenue par les représentants de CGLUA », ajoute Vydia Tamby.

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Rabat pourra-t-elle se substituer au pied levé à Marrakech, à quelques jours de l’échéance ? Au Maroc, les avis sont partagés et certaines sources doutent qu’un coup de baguette magique puisse garantir le succès de l’opération. Mais selon Vydia Tamby, qui déplore qu’un travail préparatoire de trois ans soit ainsi réduit à néant, « d’un point de vue logistique, la quasi-totalité de la programmation prévue pourra se tenir »dans la capitale royale.

Mahi Binebine s’inquiète par ailleurs du fait que des dizaines de journalistes, d’artistes et de professionnels de l’événementiel et du secteur des arts et de la culture avaient déjà réservé leur billet et leur séjour pour Marrakech.

En 2017, le retour du Maroc au sein de l’Union africaine avait précipité l’organisation d’un événement intitulé « L’Afrique en Capitale », à Rabat, sous l’impulsion du roi Mohammed VI. Pourtant, l’organisation de « Marrakech capitale de la culture » n’avait apparemment rencontré aucune hostilité de la part des autorités. « Nous n’avons jamais ressenti que le choix de cette ville pouvait poser problème au sommet de l’État », témoigne Vydia Tamby.

Soupçonné d’avoir été à la manoeuvre lors de ce revirement, Mehdi Qotbi, le président de la Fondation nationale des musées, proche de Mohammed VI, s’est fermement défendu d’y avoir tenu le moindre rôle : « Je tombe des nues ! C’est par la presse et par le post de Mahi Binebine que j’ai appris que Marrakech se désistait au profit de Rabat. Je n’ai, par conséquent, absolument rien à voir dans cette histoire, surtout que je suis concentré, avec mon équipe, sur la réussite du musée de la photographie tout juste créé à Rabat », a-t-il ainsi déclaré au site Médias 24.

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