Arrête ton char, Dassault !

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Que pense Serge Dassault, marchand d’armes et nouveau patron de presse (voir J.A.I. n° 2273), des journalistes français ? On peut tenter de le résumer en quelques mots : un ramassis de scribouillards ennemis de la patrie. Et il s’apprête à ordonner tout ça, comme on met au garde à vous une colonne de bidasses.
Dernier couac en date, le « scoop censuré » du Figaro. Rappel des faits, révélés par le Canard enchaîné : un journaliste dudit quotidien obtient une interview du Taiwanais Andrew Wang, l’homme qui servit d’intermédiaire lors de la vente de frégates (fabriquées par Thomson/CSF) et d’avions de combat Mirage (fabriqués par Dassault), à Taiwan. Mais ce scoop, Le Figaro ne le publiera jamais : l’hebdomadaire Le Point se fera un plaisir de s’en charger à sa place (n° 1669, 9 septembre 2004). Le journaliste du Figaro n’a pas été autorisé à se rendre à Londres pour interviewer Wang, lequel est accusé de corruption et de meurtre dans son pays… Dans les couloirs du journal, beaucoup sont interloqués. « C’est la chose la plus invraisemblable que l’on puisse faire dans ce métier. Non seulement c’est de la censure, mais en outre, c’est une censure préalable qui porte sur une exclusivité. C’est un véritable déni du métier ! » confie un journaliste, affirmant que la réaction est « quasiment unanime » sur le sujet. Quinze jours plus tôt, déjà, les discussions entre les présidents Chirac et Bouteflika sur l’achat de Rafale par l’Algérie avaient été passées sous silence dans les colonnes du quotidien.

Pour Serge Dassault, les choses sont claires : « Il y a des informations qui font plus de mal que de bien, le risque étant de mettre en péril des intérêts commerciaux ou industriels de notre pays. » Comprendre : le risque étant de mettre en péril mes intérêts d’industriel de l’armement. Par ailleurs, outre empêcher la diffusion d’informations qui lui déplaisent, Serge Dassault aurait, selon certains, obtenu une liste de vingt à vingt-cinq journalistes « à écarter » de la rédaction…
En réponse aux événements des derniers mois, la Société des rédacteurs présidée par Armelle Héliot a présenté une motion stipulant que « Le Figaro ne peut en aucun cas se transformer en journal militant » et « doit rester un grand journal d’informations nationales et internationales, un journal de référence ouvert à tous les courants de pensée, dans sa tradition longue de plus de cent cinquante ans ». Cette motion sera votée le 20 septembre à bulletin secret. Les journalistes de l’hebdomadaire L’Express, qui appartient aussi au groupe Socpresse, détenu à 82 % par Dassault, ont déjà manifesté leur soutien à leurs confrères du Figaro. Peut-être Dassault comprendra- t-il le message.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires