Anne Nivat

Spécialiste de la Tchétchénie

Publié le 20 septembre 2004 Lecture : 2 minutes.

Grand reporter installée à Moscou, Anne Nivat couvre le conflit tchétchène depuis 1999. Elle est l’auteur de Chienne de guerre (prix Albert-Londres) et de La Guerre qui n’aura pas eu lieu (Fayard, 2004). Son dernier ouvrage, Lendemains de guerre en Afghanistan et en Irak, a paru le 22 septembre chez le même éditeur. Au lendemain de la prise d’otages de l’école de Beslan, en république russe d’Ossétie du Nord (voir J.A.I. n° 2279), elle fait le point sur les forces en présence.

Jeune Afrique/l’intelligent : Y a-t-il une issue à la guerre en Tchétchénie ?
Anne Nivat : La situation ne cesse d’empirer. Poutine aurait dû instaurer un dialogue avec tous les Tchétchènes, qu’il s’agisse des députés de l’ancien Parlement, d’Aslan Maskhadov [le président modéré, aujourd’hui clandestin], voire de Chamil Bassaiev [chef de guerre radical]. Maintenant, il est trop tard, il y a trop de haine.
J.A.I. : La tête de Maskhadov et celle de Bassaiev viennent d’être mises à prix…
A.N. : Si ces hommes, que j’ai pu rencontrer, n’ont pas été arrêtés jusque-là par le FSB, c’est pour une raison qui m’échappe. Ce conflit étant à la source de nombreux profits, les militaires russes comme les Tchétchènes prorusses ont intérêt à ce qu’il se prolonge…
J.A.I. : Avez-vous vu des combattants arabes sur le terrain ?
A.N. : En cinq ans, j’en ai vu moins de douze, au plus fort du conflit, durant l’hiver 1999-2000. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, Poutine se sert de ce prétexte pour invoquer des liens entre el-Qaïda et les rebelles tchétchènes. Sans preuve.
J.A.I. : Vous avez rencontré Khattab, qui tenta avec Bassaiev d’étendre le conflit au Daghestan, avant sa mort, en 2002…
A.N. : On n’a jamais su s’il était jordanien ou saoudien. Quand je le lui ai demandé, il a répondu : « Quelle importance ? Nous sommes tous frères. » Il s’exprimait en russe, qu’il parlait assez mal. Il a eu envers moi, en tant que femme, une attitude qu’aucun Tchétchène n’a jamais eue. Il a refusé que je m’asseye auprès de lui sur un divan pour l’interviewer et m’a demandé de m’asseoir en face de lui, à même le sol.
J.A.I. : Quelle est la proportion d’islamistes parmi les combattants tchétchènes ?
A.N. : Ceux que les Russes appellent les « wahhabites » sont tout au plus 5 %. Ils connaissent mal le Coran et utilisent des formules toutes faites.
J.A.I. : El-Qaïda finance-t-elle la rébellion ?
A.N. : Si tel était le cas, cette dernière ne serait pas dans l’état désastreux dans lequel elle se trouve depuis cinq ans, c’est-à-dire dans l’incapacité totale de lancer une contre-attaque massive. Elle ne possède ni missile Stinger ni armement sophistiqué.
J.A.I. : Comment réagit la population tchétchène ?
A.N. : Elle soutient passivement la résistance, mais, dans sa grande majorité, elle est dégoûtée de la guerre. L’indépendance n’a plus vraiment de sens à ses yeux.
J.A.I. : Y a-t-il un risque d’extension du conflit ?
A.N. : Ceux qui pensent que le Caucase va s’embraser se trompent. Dans les régions limitrophes de la Tchétchénie, les populations font tout pour se tenir à l’écart de ce conflit. La prise d’otages de Beslan était une provocation d’extrémistes ultraminoritaires.

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