Amitiés pékinoises
Avec sa neuvième visite en Chine, le président Omar Bongo Ondimba soigne les relations qu’entretient son pays avec l’empire du Milieu .
Décidément, les présidents chinois et gabonais ne se quittent plus. Le 1er février dernier, pour sa première tournée africaine, Hu Jintao faisait escale à Libreville, unique étape subsaharienne de son périple sur le continent. Pour lui rendre la politesse, son homologue gabonais Omar Bongo Ondimba vient d’effectuer du 7 au 13 septembre une visite officielle en Chine.
Cette intimité sino-gabonaise n’est pas nouvelle. Les relations diplomatiques entre les deux pays ont débuté le 20 avril 1974. En l’espace de trente ans, de nombreux responsables chinois se sont rendus à Libreville, à commencer par Li Peng, l’ancien Premier ministre, en mai 1997. Côté gabonais, les visites officielles se sont également multipliées. Et de tous les dirigeants africains, Omar Bongo Ondimba est l’un de ceux qui connaissent le mieux l’empire du Milieu. Il s’était déjà rendu à huit reprises, avant cette dernière visite, et a rencontré successivement Mao Zedong, Chou Enlai et Deng Xiaoping. Le timonier gabonais a cette fois été reçu à Pékin par Hu Jintao.
Reste que la nature des relations entre les deux pays a beaucoup évolué. Après avoir communié dans la fraternité tiers-mondiste, les deux États vivent aujourd’hui à l’heure de la mondialisation. Et multiplient les partenariats économiques. Pour Pékin, il s’agit de trouver en Afrique les matières premières nécessaires pour alimenter sa forte croissance. Pour Libreville, les investissements chinois peuvent donner un second souffle à son économie longtemps axée sur les seuls hydrocarbures et accélérer sa diversification.
Dans cette perspective, la composition de la délégation gabonaise ne doit rien au hasard. Pas moins de sept ministres accompagnaient le chef de l’État. Étaient notamment présents Casimir Oyé Mba (Planification et Programmation du développement), Paul Toungui (Économie et Finances), Égide Boundono Simangoye (Fonction publique), René Ndemezo Obiang (porte-parole du gouvernement) et Jean-François Ndongou (délégué aux Affaires étrangères). Sans oublier Richard Onouviet et Émile Doumba, ministres des Mines, de l’Énergie et du Pétrole pour le premier, et ministre de l’Économie forestière pour le second, les hydrocarbures et le bois étant parmi les principaux produits gabonais importés par la Chine. Le commerce bilatéral se porte plutôt bien puisque, au premier semestre 2004, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et le Gabon a augmenté de 6,8 % par rapport à la même période de l’année dernière. Il faut savoir qu’en 2003 les échanges commerciaux sino-gabonais se sont élevés à 300 millions de dollars, les exportations gabonaises représentant 95 % de cette somme. Elles concernent essentiellement le bois, le manganèse et, désormais, le pétrole.
Mais bien avant de miser sur le commerce, les deux États ont toujours privilégié la coopération. Et l’aide publique chinoise attribuée au Gabon reste une composante majeure de leurs relations. Ainsi, le 8 septembre, Pékin a octroyé au Gabon un prêt de 40 millions de yuans (environ 4 millions d’euros) destiné au financement des projets. À cette occasion, Hu Jintao et son homologue gabonais se sont engagés à développer la coopération entre les deux pays, tout en encourageant les entreprises chinoises à venir investir au Gabon dans les secteurs des infrastructures routières, de l’agriculture, de la pêche, de la forêt et de la santé. Parmi les accords signés en présence des deux chefs d’État figure en particulier le développement du gisement de fer de Belinga, situé dans la province enclavée de l’Ogooué-Ivindo, par la réalisation d’une bretelle ferroviaire Belinga-Booué. La construction d’un port en eau profonde à Santa-Clara, à 30 kilomètres au nord de Libreville, a également été évoquée.
La coopération chinoise au Gabon se traduit déjà par plusieurs projets, notamment dans les domaines de la pêche industrielle et de la transformation du bois. Pékin a également financé et construit l’Assemblée nationale, et construit actuellement le palais du Sénat. Elle financera enfin la construction à Libreville d’une Cité de l’information, destinée à abriter les médias audiovisuels publics.
Du côté des entreprises, les partenariats sont plus laborieux à mettre en place. Pour l’heure, c’est surtout le pétrole qui semble intéresser les opérateurs chinois. En février dernier, un accord portant sur la prospection et l’exploration pétrolière a été signé entre la société publique chinoise Sinopec et le ministère gabonais du Pétrole. Cet accord a été scellé quelques jours après la signature d’un contrat de vente de pétrole entre Unipec (filiale de Sinopec) et Total Gabon, la filiale du groupe français qui produit 42 % du brut gabonais. Le volume de la transaction n’a pas été révélé, mais il pourrait atteindre un million de tonnes par an.
Jusqu’ici, la Chine cherchait surtout à se faire des amis pour contrer Taiwan sur le terrain africain. Aujourd’hui, elle y cherche de nouveaux fournisseurs. Et elle a trouvé, au Gabon, un allié de poids en Afrique francophone. Se positionnant contre l’hégémonie occidentale, elle a le « mérite » de n’assortir son assistance « d’aucune condition politique », alors que les bailleurs de fonds occidentaux – à commencer par le FMI – s’efforcent d’imposer le respect de critères de « bonne gouvernance ». Elle mise donc sur la solidarité Sud-Sud pour développer de bonnes relations avec ses partenaires africains… et décrocher de nouveaux contrats. Pour Pékin, l’entregent du président Bongo Ondimba et son influence régionale sont autant d’atouts qu’il convient de prendre en considération. D’où son intérêt pour un Gabon… mille fois moins peuplé que la Chine.
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