Côte d’Ivoire : la SGBCI se couvre, ses bénéfices trinquent
SGBCI, la première banque ivoirienne, explique la baisse de son résultat par un provisionnement exceptionnel lié à des prêts risqués. Mais force est de reconnaître qu’elle souffre aussi des assauts de la concurrence.
Le 21 mai, le hall du siège de la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) s’est transformé en salle de spectacle pour la célébration des 150 ans de la maison mère française, Société générale. Des festivités organisées dans un contexte assez spécial, marqué par un recul du résultat net de la SGBCI en 2013, et en présence d’Alexandre Maymat, le directeur délégué chargé de l’Afrique, de l’Asie, de la Méditerranée et de l’outre-mer, arrivé de Paris pour encourager ses collaborateurs à relancer la machine.
L’assemblée générale qui s’est tenue cinq jours plus tard a entériné le bilan de l’exercice écoulé. La SGBCI, première banque de Côte d’Ivoire (avec dans son portefeuille 40 % des fonctionnaires du pays), a vu ses bénéfices dégringoler de 44 % en 2013, pour s’établir à 13 milliards de F CFA (près de 20 millions d’euros). Dans le même temps, la Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Côte d’Ivoire (Bicici), filiale d’un autre groupe français, BNP Paribas, voyait son bénéfice net exploser de 77 %, à 9 milliards de F CFA.
La chute du résultat net de la SGBCI a même – un temps – affolé la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM).
Prudence
La chute du résultat net de la SGBCI a même affolé la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), à Abidjan, au point de faire baisser le cours de l’action entre fin mai et début juin. Mais le marché a vite compris qu’il n’y avait aucun péril en la demeure, et le titre est reparti à la hausse, pour atteindre 73 000 F CFA le 18 juin. « Cette contre-performance ne nous inquiète pas, au regard de la croissance constante du produit net bancaire, qui est passé de 59,9 milliards à 60,7 milliards de F CFA entre 2012 et 2013 », commente une source proche de la direction de la banque. Quant au total de bilan, il a lui aussi progressé – d’un peu plus de 8 %, à 865,4 milliards de F CFA en 2013.
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« Le recul de notre bénéfice est dû à la position prudente que nous avons adoptée en provisionnant intégralement les risques potentiels identifiés par la Commission bancaire », explique une source en interne.
Après un contrôle mené au deuxième semestre 2013, le régulateur de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a en effet recommandé à la banque de couvrir ses risques opérationnels, liés notamment à des prêts accordés à certaines entreprises qui pourraient s’avérer improductifs.
La SGBCI a donc provisionné un montant de 11,4 milliards de F CFA dans les livres de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)… contre seulement 18 millions de F CFA en 2012.
Perte de terrain
Mais si la SGBCI explique le recul de son bénéfice par la couverture des risques opérationnels, il faut dire aussi qu’elle a perdu du terrain, sur certains segments du marché, au profit de concurrents comme Ecobank. Par exemple, sur le créneau du crédit à l’économie – c’est-à-dire les prêts aux entreprises et aux particuliers – qu’elle dominait jusque-là, elle a été dépassée l’année dernière par la filiale locale du groupe panafricain. Ecobank a accordé 436 milliards de F CFA de crédits, soit près de 10 milliards de plus que la SGBCI.
Autre donnée non négligeable : les mouvements sociaux intervenus au sein de la filiale de Société générale au deuxième semestre 2013, qui ont perturbé son fonctionnement. Arrivé à la tête de la SGBCI en septembre, Hubert de Saint-Jean a dû mettre en place une nouvelle équipe dirigeante pour relancer la banque.
Harold Coffi, ex-directeur général adjoint de BIAO Côte d’Ivoire, a ainsi été recruté pour occuper un poste similaire au sein de la SGBCI. Et Bassirou Diagne, ancien directeur général adjoint de la Société générale de banques au Sénégal (SGBS), a rejoint l’équipe ivoirienne dans la même fonction.
Pour calmer la fronde des employés, la direction a procédé à quelques augmentations de salaire, portant le coefficient d’exploitation de la banque à 61 %, contre 54 % auparavant (la moyenne du secteur tourne autour de 70 %).
Challengers
Pris dans la résolution de ce conflit social et dans la réorganisation de son management, le groupe Société générale a été ralenti dans son programme de développement en Côte d’Ivoire. En 2013, il n’y a consacré que 3,7 milliards de F CFA sur les 7,6 milliards budgétisés. Mais la banque assure que 2014 marquera le retour des ouvertures d’agences, pour porter leur nombre de 67 actuellement à 80 fin 2015. Et que les prêts aux entreprises et aux particuliers redémarreront. Elle prépare d’ailleurs un crédit de 75 milliards de F CFA en faveur de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) pour permettre à cette compagnie publique de sécuriser ses approvisionnements en pétrole brut.
Reste que sur un marché aussi concurrentiel que la Côte d’Ivoire, ces bonnes résolutions ne sont pas forcément un gage de réussite. Car Ecobank et BNP Paribas, mais aussi Bank of Africa, Banque Atlantique et Attijariwafa Bank, sont autant de challengers qui ne comptent pas se laisser distancer.
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