Élie Doté : la surprise du chef
« Beaucoup de mes amis pensent que je suis un peu inconscient d’avoir accepté ce poste à haut risque, alors que j’étais confortablement installé à la BAD [Banque africaine de développement], à trois ans de la retraite. Mais il fallait bien que je restitue un jour à mon pays ce que j’ai reçu de lui. » Joint au téléphone par J.A.I. à Bangui, alors que l’ambassadeur de France, venu en visite, patiente dans son salon, le nouveau Premier ministre centrafricain, Élie Doté, n’en dira guère plus : trop tôt, trop frais pour cet homme de 57 ans qui a fait toute sa carrière hors de la Centrafrique et dont la nomination, le 13 juin, par le président François Bozizé a totalement pris de court la classe politique locale. Tout juste ajoutera-t-il qu’il n’était « évidemment pas demandeur », qu’il a « beaucoup hésité » et que, finalement, « le patriotisme a pris le dessus ».
Apolitique, technocrate, discret, Élie Doté est né à Bangui mais appartient à la communauté mandja du Centre-Nord, une région d’où est également originaire son ami Jean-Paul Ngoupandé, l’un des poids lourds du paysage centrafricain. Docteur en économie rurale, formé en France (à Montpellier), il est fonctionnaire au ministère de l’Agriculture à Bangui avant d’intégrer la BAD en 1980. Il y restera un quart de siècle, gravissant un à un les échelons. Chef de la division agriculture pour l’Afrique de l’Ouest depuis août 2001 – l’une des plus actives de la BAD -, Doté devait prendre ses fonctions de représentant de la Banque pour les deux Congos, avec résidence à Kinshasa, le 1er août 2005. Mais son pays l’a rattrapé…
Lui qui n’a jamais fait de politique, au point de refuser dans le passé tous les portefeuilles ministériels qu’on lui proposait, a donc fini par plonger dans les eaux agitées de l’Oubangui. En faisant appel à cette personnalité peu connue en Centrafrique, François Bozizé savait qu’il ferait inévitablement des déçus et des mécontents. Ngoupandé mais aussi l’ancien ministre des Finances Théodore Dabanga étaient sur les rangs, et au sein même de la « convergence Kwa na Kwa », la formation créée pour faire élire Bozizé, beaucoup craignent de ne pas être récompensés à la hauteur de leurs efforts, au profit d’outsiders comme Élie Doté. Ces rancoeurs et ces amertumes ne tiennent pas compte d’un élément essentiel : Bozizé, qui a désormais les mains libres, ne souhaitait pas avoir à ses côtés un Premier ministre de cohabitation qui lui « prenne la tête » chaque matin, mais un professionnel de l’économie, sérieux et sans ambitions politiques.
Pour bien démontrer qu’il se situait au-dessus de la mêlée, François Bozizé a d’ailleurs tenu, lors de son investiture le 11 juin, à donner l’accolade à tous les candidats battus à l’élection présidentielle, avant de rendre un hommage public à Martin Ziguélé – son adversaire du second tour – et à Nicolas Tiangaye, qui présida pendant deux ans le Parlement de transition. Un geste consensuel précédé d’un autre, en direction cette fois des bailleurs de fonds : le budget de la cérémonie d’investiture, 500 millions de F CFA, a été divisé par deux sur ordre du chef de l’État. Dans un pays sinistré où le retour du Fonds monétaire international (FMI) est attendu comme celui du messie, c’était, il est vrai, le moins qu’il puisse faire.
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