« Good Guys »

Publié le 20 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Des films de Steven Spielberg aux discours de George W. Bush, l’Amérique a un savoir-faire et un savoir-dire que nul au monde ne lui conteste : celui de la mise en scène efficace et du message simple, à l’usage d’une opinion intérieure dont le degré de compréhension en matière de politique extérieure est à peu près aussi sophistiqué que la recette du hamburger. Pour faire comprendre à l’Américain moyen, aux yeux de qui les dirigeants africains ont en général une image de kleptocrates prédateurs experts en détournements d’aide, le bien-fondé de la spectaculaire décision prise par le G8 d’effacer 40 milliards de dollars de dette, la Maison Blanche a donc usé de pédagogie. Lundi 13 juin, cinq chefs d’État du continent, considérés comme particulièrement présentables, voire modèles, ont ainsi été invités, à Washington, à jouer les good guys devant les médias. Alignés en rang d’oignons, MM. Tandja (Niger), Kufuor (Ghana), Pohamba (Namibie), Mogae (Botswana) et Guebuza (Mozambique) ont serré la main de Bush et sagement écouté un discours dont le but était de démontrer qu’il existe aussi, sur ce continent obscur, de bons présidents dignes d’être secourus.

Pour être coopté par l’Amérique, a expliqué en substance George W. Bush, un président africain doit correspondre à trois critères : il doit être « un ami des États-Unis » – condition évidemment sine qua non -, il doit être « un vrai patriote » et il doit être « un démocrate ». Casting judicieux : les cinq acteurs muets de ce show sur fond de bannière étoilée ont tous été élus (ou réélus) en 2004, à l’issue de scrutins free and fair. Et tous les cinq figurent au rang des pays bénéficiaires de la fameuse Agoa (African Growth and Opportunity Act), cadre qui depuis l’an 2000 définit et structure la politique d’aide des États-Unis. Ils sont donc la preuve vivante, a conclu Bush, que les marchés ouverts et la bonne gouvernance favorisent la démocratisation et que l’aide – à condition de ne pas contrevenir au trade (« commerce ») – peut être utilisée à bon escient.

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Certes, derrière cette leçon de charité bien ordonnée à l’usage de l’électeur texan se cache une politique africaine où prédominent les intérêts de l’Amérique. Du pétrole à la guerre mondiale contre le terrorisme, en passant par le sida et la protection de l’environnement, ce J.A.I. Plus fait le tour de ce qui pourrait être demain, vu de Washington, une « nouvelle frontière ». Certes, l’annulation de la dette de quatorze pays africains par le G8 – sans préjudice de ce qui pourra être annoncé lors du sommet de cette instance début juillet en Écosse -, tout comme la « priorité africaine » du nouveau patron de la Banque mondiale Paul Wolfowitz, contribuent en outre à la stratégie globale d’amélioration, voire de réfection, de son image de marque mise en oeuvre par l’administration Bush II. De tout cela, nul n’est dupe. Mais après tout, si le continent sait mettre à profit son nouveau rôle de vitrine de la « générosité » américaine, ainsi que ce timide regain de valeur stratégique – lui qui l’avait totalement perdue, une fois refermé le chapitre de la guerre froide -, qui s’en plaindra ?

PS : Il va de soi que, pour les États-Unis, l’Afrique et les Africains s’entendent uniquement au sens subsaharien du terme. Les pays du Maghreb ainsi que l’Égypte relèvent, à leurs yeux et dans la réalité de leur politique, d’un continent totalement différent : le monde arabe.

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