Fièvre acheteuse

Hausse de la consommation, baisse de l’offre, les déséquilibres du marché physique alimentent la spéculation.

Publié le 20 juin 2005 Lecture : 3 minutes.

Quel est le dénominateur commun entre une rescapée indienne du tsunami et un trader new-yorkais ? Une même confiance absolue dans l’or. Un engouement qui a propulsé le cours de la valeur refuge à 426 dollars l’once (31,1035 g), après avoir battu, en décembre 2004, un record vieux de seize ans, à 454,20 dollars. Un niveau qui n’a pas découragé les acheteurs : selon le rapport du Conseil mondial de l’or (World Gold Council), la demande a progressé de 8,2 % en 2004, à 3 484 tonnes.
La fabrication de bijoux reste le principal débouché du métal jaune. La joaillerie consomme 2 673 t, soit les trois quarts de l’or disponible. L’Inde, premier consommateur mondial, absorbe 662 t, plus que le total cumulé de ses deux poursuivants : les États-Unis (372 t) et la Turquie (238 t). Suivent les pays d’Asie (Chine, Hong Kong, Taiwan). Tirés par la croissance économique de ces pays, les achats des bijoutiers ont augmenté de 6 %. Alors que les consommateurs se sont habitués à un niveau de prix durablement supérieur à 400 dollars. D’autant que le bijou devient un investissement en lui-même. Les clients asiatiques délaissent la bijouterie décorative et recherchent une joaillerie moins travaillée et à plus forte teneur en or (de 21 à 24 carats).
De par son caractère indestructible et universel, l’or est un moyen de stocker de la richesse, une forme d’épargne pour les pays en développement. D’où la hausse des achats en Inde après le tsunami. Une frénésie qui a atteint les investisseurs particuliers, dont les achats de lingots et de pièces ont augmenté de 15 %, à 395 t. Une tendance appelée à s’accentuer puisque la Chine vient d’autoriser ses ressortissants à acheter de l’or à titre individuel.
En revanche, les investisseurs institutionnels ont été vendeurs nets en 2004 avec 124 t d’or vendues. Une sorte de déstockage alors qu’ils avaient acheté 653 t en 2003. Mais cela ne reflète pas l’activité spéculative. L’essentiel des achats « d’or papier » se fait sur les marchés financiers et non sur le marché physique. Côté industriels, les achats ont atteint 348 t, soit 10 % du total. Pour moitié, il s’agit de l’or nécessaire aux composants électroniques, notamment ceux intégrés dans les téléphones portables. Quant à la consommation emblématique des dentistes, elle reste marginale, à 68 t par an, soit 2 % du marché.
La production, elle, ne suit pas la demande. L’extraction minière a même baissé de 4,4 %, à 2 478 t, son plus fort recul depuis les années 1940, après un glissement de terrain à la mine indonésienne de Grasberg, la plus grande du monde. Une baisse d’autant plus préoccupante que la production disponible n’est que de 2 034 t. Selon les estimations, l’Afrique du Sud était, en 2004, le premier producteur avec 344 t, suivie des États-Unis (268 t) à quasi-égalité avec l’Australie (257 t). Deux pays ont émergé : l’Indonésie (114 t) et le Pérou (173 t), grâce au site de Yanacocha. Au niveau mondial, le groupe américain Newmont (208 t) domine la production, devant le sud-africain Anglogold Ashanti (188 t), le canadien Barrick Gold (154 t), le sud-africain Goldfields (129 t) et le canadien Placerdome (113 t).
En plus de l’extraction, le marché est alimenté par l’or issu de la récupération, soit 829 t. Autre source d’approvisionnement : les banques centrales, qui ont mis sur le marché 497 t en 2004, des ventes en recul cependant de 19 %. Les banques centrales réduisent la part de l’or dans leurs réserves. Ainsi, les quinze instituts européens prévoient, conformément à leur accord renouvelé en 2004, de vendre 500 t par an jusqu’en 2009. Un quota à relativiser au regard des 32 000 t que détiennent les banques centrales. Ces déséquilibres du marché « physique » ont sans doute encouragé la spéculation. Une spéculation qui, aujourd’hui, marque un peu le pas du fait de la remontée du dollar.

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