[Tribune] Moins d’État pour un État plus efficace
Pour éviter de disperser capacités et ressources, l’État-nation et l’État producteur devraient céder davantage d’espace à un État régulateur et à un État régalien.
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Nicolas Simel Ndiaye
Senior manager, Deloitte Afrique, fondateur du think-tank L’Afrique des Idées.
Publié le 6 février 2020 Lecture : 3 minutes.
Avec une croissance démographique annuelle d’environ 2,8 %, un pays typique d’Afrique de l’Ouest comme le Sénégal ou le Bénin voit sa population doubler tous les vingt-cinq ans. Cette dynamique amplifie les besoins et exacerbe les attentes en matière d’accès aux services de base (eau, électricité, éducation, santé, etc.) et d’amélioration du cadre de vie.
En parallèle, l’Afrique, dont la population devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants en 2050, voit chaque année arriver sur le marché de l’emploi plus de 30 millions de personnes, soit l’équivalent de la population du Ghana, du Venezuela ou de la Malaisie.
Face à cet étau qui se resserre inexorablement, une question majeure se pose avec acuité aux gouvernements à l’aube de cette nouvelle décennie : comment renforcer l’impact des initiatives publiques sur la création d’emplois et l’amélioration du bien-être des populations ? L’ampleur d’un tel défi amène à considérer un recentrage de l’État en matière d’intervention économique à deux niveaux.
Un État régulateur
En ce qui concerne les politiques publiques, l’État-nation, qui a enregistré des résultats significatifs au cours des vingt dernières années (infrastructures, télécommunications, éducation, etc.) et l’État producteur, qui a montré certaines limites, devraient céder davantage d’espace à un État régulateur qui facilite l’essor du secteur privé et à un État régalien qui renforce la sécurité des personnes et de leurs biens, qui mette la fiscalité au service de la croissance et du bien-être et assure l’indépendance et l’efficacité de la justice.
Quant aux projets structurants, au-delà de plans nationaux d’émergence quelquefois trop abstraits, il demeure nécessaire d’enclencher un effort de recentrage articulé autour de trois axes :
1 – remettre de façon pragmatique l’analyse économique au cœur de la conception des politiques publiques pour privilégier, d’une part, des secteurs présentant des avantages comparatifs probants et/ou des effets d’entraînement économiques solides afin de développer un positionnement stratégique différenciant autour de quelques moteurs intersectoriels ; et, d’autre part, au sein de ces secteurs, des projets à fort impact sur l’emploi, la réduction de la pauvreté et la création de valeur ajoutée ;
2 – mettre en lumière la rentabilité financière des projets et donc leur attractivité, non seulement pour les investisseurs étrangers mais aussi et surtout pour le secteur privé national ;
3 – tenir compte de l’opérationnalité des projets qui se manifeste dans la cohérence du dispositif institutionnel, la maturité des structures d’exécution, la mobilisation des compétences appropriées et l’impulsion des réformes devant permettre et accélérer la concrétisation des impacts attendus.
Recentrage de l’intervention économique
Pour les États, renoncer à cet effort de recentrage de l’intervention économique a des conséquences notables. Parmi celles-ci figurent la dispersion des capacités d’exécution, la dilution des ressources financières et des compétences pour porter les projets structurants à un niveau de maturité qui les rende attractifs pour le secteur privé, la faible mobilisation des réformes comme leviers d’exécution des projets ainsi que les lacunes dans le pilotage des engagements pris par les partenaires privés.
L’année 2020, qui sera marquée par plusieurs élections présidentielles, notamment en Afrique de l’Ouest, pourrait constituer un tournant vers un recentrage de l’intervention économique. Au Togo, en Guinée, en Côte d’Ivoire, au Ghana, entre autres, au-delà des stratégies d’émergence à long terme, il convient de s’inscrire dans des démarches pragmatiques avec une articulation plus robuste entre stratégie et exécution.
Au Sénégal, dans le cadre de la deuxième phase du Plan Sénégal émergent (PSE), il reste nécessaire d’identifier et de bâtir un consensus autour d’un portefeuille de projets destinés à constituer l’ossature de l’action gouvernementale à l’horizon 2024. Cela permettrait de mobiliser les parties prenantes, notamment le secteur privé national, et d’apporter un nouveau souffle au second mandat du président Macky Sall, dix mois après sa réélection de février 2019.
Ce n’est qu’en effectuant un travail rigoureux de recentrage, de priorisation et de focalisation des ressources financières et des capacités d’exécution sur un nombre restreint d’initiatives attractives à fort impact pour le secteur privé que les États ouest-africains auront des plans stratégiques nationaux porteurs d’emplois, de croissance inclusive et d’amélioration effective du bien-être des populations.
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